Christophe Esnault, Aorte adorée

Manuel du savoir mieux vivre pour ne pas se rater

On le sait depuis que Brel l’enchanteur l’a chanté : il n’y a pas que les tau­reaux à s’ennuyer le dimanche. D’ailleurs, la géné­ra­tion des win­ners a décidé de le dégui­ser en jour de semaine. S’ouvrent désor­mais les maga­sins le jour consa­cré au culte du dieu tri­ni­taire — ce qui revient à le rem­pla­cer par un autre. Etant magna­nime, même s’il n’habite par près de la Tour Magne à Nîmes, Esnault accouche (par le Saint Siège) des diverses manières de tuer le temps. Et ce, même pour les éso­té­riques qui mettent volon­tiers des idées dans le désir voire — au ser­vice de leur ins­tinct — la réa­lité dans le néant.
D’où ce manuel de « félixité », pour rendre les imbé­ciles (mais pas seule­ment) heu­reux lorsque les tuyaux de la vie sont bou­chés. Chaque poème devient en consé­quence du Des­top top où rou­coule ailé un fleuve ou plu­tôt le dis­cours de la méthode afin de s’envoyer en l’air en évi­tant les ascenseurs.

Nul en effet n’est jamais assez pru­dent lorsqu’il s’agit de mou­rir. Esnault livre pour le sui­cide heb­do­ma­draire par­fois des méthodes peu actives (regar­der la télé) mais sur­tout des pro­ces­sus plus rapides et sou­vent d’un prix ridi­cu­le­ment déri­soire. Inutile d’employer des lames de rasoir Gil­lette ou Wil­kin­son lorsque enfouir la tête dans un sac plas­tique serré au kiki fait l’affaire. Certes, les esthètes qui prennent la mouche ou qui pos­sèdent  une arai­gnée dans la tête pré­fé­re­ront l’insecticide et les per­vers la psy­cha­na­lyse – ce qui est un moyen d’accentuer leur sup­plice et l’automutilation.
Les plus mem­brés choi­si­ront volon­tiers l’amante reli­gieuse (ou non) et les gour­mands des duos de nonnes. Esnault n’est jamais  avare de coups de pied de biche dans le duo­dé­num : sa méthode Vir­gi­nia Woolf ne laisse pas de pierre, quant au spec­tacle pour enfants dans les centres com­mer­ciaux, il n’est pas mal non plus.

Nous gar­de­rons néan­moins, et sui­vant ses conseils, un pen­chant pour les réseaux sociaux où d’aucuns passent leur temps à pho­to­gra­phier leur chat. Mais le trans­port amou­reux muti­lant a ses qua­li­tés : la chatte à défaut d’un doigt brû­lant se repasse sur les rails du métro (pour les non pari­siens le réseau SNCF sera consub­stan­tiel à celui de la RATP).
Bref, il existe là, sinon mille et une manières de d’atteindre le nir­vana, du moins les indices aux grâces rotu­rières afin d’exécuter la grande œuvre qui tient au cœur ceux que l’idée de l’arrivée du lundi pèse. Le tout pour 4 euros : c’est une occase à ne pas rater. Seul l’espérant (mais de quoi ?) pourra s’en dispenser.

jean-paul gavard-perret

Chris­tophe Esnault,  Aorte ado­rée, Edi­tions La Porte (Yves Per­rine, Laon), 2017, non paginé - 4,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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