Marion Schaller, Fenêtre sur cour

Last exit

En dépit de son mal de vivre — euphé­misme -, Marion Schal­ler a tenté de « sor­tir » du mal qui allait l’emporter : la schi­zo­phré­nie. Claire Krä­henbühl et Denise Mut­zen­berg (pour par­ache­ver leurs 25 années d’éditions) per­mettent de don­ner à la poé­tesse morte pré­ma­tu­ré­ment non seule­ment espace, voix (un CD accom­pagne le livre) mais vie par des poèmes « nés au cœur de la plus grande tem­pête » : le tsu­nami per­son­nel qui eut rai­son de son exis­tence.
Face à la cou­pure exis­ten­tielle, la poé­tesse a cher­ché quelques accords obs­ti­nés — que l’on retrouve d’une cer­taine manière dans les per­cus­sions de son piano et dans les quelques mesures de ses chan­sons. La poé­tesse ne joue jamais sur les digres­sions sonores propres à sug­gé­rer des effets nos­tal­giques, mais au contraire sur les varia­tions les plus simples pour tarir les sen­ti­ments inutiles et super­flus afin de sai­sir de quoi rebon­dir pour ten­ter de gâcher le chaos au lieu de le renforcer.

Peine per­due tant les beaux jours sont révo­lus. En dépit de ce qu’espère l’auteure, les “Heures exquises” ne revien­dront pas. La gaze sonore gor­gée d’infimes évé­ne­ments ryth­miques et har­mo­niques, la réité­ra­tion de mêmes phrases à peine modi­fiées, ampli­fient le temps au moment où il s’éteint. Marion Schal­ler écrit en sub­stance : “Il faut conti­nuer, je dois conti­nuer” (L’Innommable, Beckett). Mais l’éternelle quoique pro­vi­soire vadrouille n’aura pas lieu.
Chaque poème devient l’approche d’un som­meil sans réveil et sans fin comme si l’infini du tempo répé­ti­tif du poème absor­bait le temps. La mala­die demeure la matière pre­mière res­tée pre­mière, intrans­for­mable dont à son corps défen­dant chaque poème ren­force la violence.

Celle qui n’a déjà plus de voix veut par­ler encore. Mais ne demeure que l’errance sans retour et rémis­sion. Elle ne peut lais­ser sur­gir qu’un Ima­gi­naire qui n’est plus capable d’engendrer ce que Jean Bur­gos nomme des “sché­mas vitaux” de construc­tion. L’Imaginaire est en rup­ture de forme, il ne peut se lan­cer, avec cer­ti­tude, comme Henri Michaux le pro­clame : “Allons, tout n’a point encore suc­combé”. La courte vie de l’auteure l’a hélas ! prouvé.

jean-paul gavard-perret

Marion Schal­ler, Fenêtre sur cour, Edi­tions Samiz­dat, Grand-Saconnex, 2017,  82 p.

 

 

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