Richard Meier, Blancs criants

Ours va ou le fili­grane du monde

Parfois les blancs sont si criants qu’il est pos­sible de se trom­per d’image tant ils écrasent tout. Néan­moins, dans la neige des « pages qui se regardent » des rehauts de gris aqueux per­mettent sinon de repo­ser les yeux du moins de leur per­mettre un pas­sage. Et si « les blancs des mots s’ajoute au silence », reste un fili­grane qui oscille entre le gaz, l’épine, le germe jusqu’à ce que fina­le­ment un ours aille et révulse ce qui per­met­tait au silence et à l’aveuglement de se pour­suivre.
Ce qui sub­siste — ce que l’on peut vrai­ment voir — est le fossé qui sépare le blanc. Ce trou visible devient la puis­sance insuf­fi­sante de l’art face au vide, la puis­sante réponse devant l’impossible. Réponse qui n’est pas sa pos­si­bi­lité — sinon iro­nique, drôle — mais son reflet, son écho.

Le blanc qui empêche le dire est donc ren­versé par toutes les ten­ta­tives avor­tées de si près mais signi­fi­ca­tives de ce qui suit son cours par effet de divi­sion active, far­cesque, cri­tique. Le dis­pa­rate que Richard Meier intro­duit face à la dis­pa­ri­tion conduit à la consi­dé­ra­tion des semences qui affûtent l’œil et l’esprit à tra­vers un dis­po­si­tif et une pro­cé­dure. Elles échappent à l’hégémonie ver­bale et visuelle dont le créa­teur exploite et trans­gresse les filons pour une poten­tielle mise à feu ter­mi­nale.
Il conjugue la varia­tion, tra­verse des résis­tances, des seuils, emporte l’histoire, la refait acco­lant ses inci­pits visuels et gra­phiques comme s’il tirait sur un fil ténu au moment où de fait il tient les rênes d’un cha­riot sus­pendu au des­sus du vide. Celui-ci mal­mène les yeux à la remorque d’un os à ron­ger pour voir jusqu’où les lan­gages peuvent sou­te­nir la sépa­ra­tion et où réside leur butée, leur limite de chan­ge­ment d’espace et leur brû­lage porté à blanc.

Une fois de plus, il faut séparer/unir pour dire et « peindre », blo­quer la vio­lence là où image et seg­ments ver­baux observent le puits de l’invisible et du silence. Tel est donc l’art sans pein­ture ou presque, la poé­sie sans mots ou presque.

jean-paul gavard-perret

Richard Meier,  Blancs criants, Voix Edi­tions, Elne, 2017.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>