L’indifférence qui touche l’œuvre de Marie-Louise Chapelle est incompréhensible. Il est vrai que l’auteur n’est pas de ceux et celles qui cherchent à forcer les portes. Trois livres seulement (Prononcé Second chez Flammarion en dehors de deux titres cités) , un article («L’étiquette» ) dans la “Revue de métaphysique et de morale”.
Il est vrai que son écriture est âpre : elle cultive les soupirs, temps morts non seulement avant le dernier glissement dans le silence mais en une sorte d’après. La pulsation du poème au carrefour du physiologique et du sémiotique engage une fracture supplémentaire : elle coupe un peu plus le souffle gage de vie.
L’autrice (je crois qu’il faut dire comme cela désormais) éloigne des convulsions phoniques. Les textes entre prose et poème connotent un manque qui se traduit, bien plus que dans ce qui serait dit, par cet éclat en creux que le langage ne traduit que sous forme de “désaississements”. Ils renvoient à celui de l’être et à la catastrophe latente que toute vie doit supporter. Comment alors faire surgir de leur chaos les mots ?
Reste une suite de déchirures comparable à « un chemin creux dans le chant » comme l’écrivait Joe Bousquet. Reste des déchets d’histoires, d’écoute, de vie. La créatrice tente de recycler ce qui peut l’être. Cette avancée de l’écriture — continuellement rompue — est symptomatique d’une œuvre vouée à une impossibilité de dire et de montrer Sans aller néanmoins jusqu’à ce que Beckett proposait dans Mal vu, mal dit . A savoir « jusqu’à plus de trace. A la surface ».
jean-paul gavard-perret
Marie-Louise Chapelle,
– Mettre, Théâtre Typographique, 2017.
– A la corde , Contat Main, 2017.