Hugo Pernet, Je vais simplement m’habiller comme tout le monde : Streetwear Poem

Souve­rains poncifs

Quoi de plus cha­fouin et cau­te­leux, de pré­ten­tieux aussi, que ce pré­tendu exer­cice d’humilité ? L’outrecuidance de la pose est mise en forme dès la cou­ver­ture du livre : plu­tôt que de pré­sen­ter le titre dis­cur­sif du livre on pré­fère affi­cher le sous-titre english « street­wear poem ». Cela fait plus chic, d’autant que les mots naviguent en rouge et blanc. Ce dégui­se­ment ou sous-texte est idéal à un exer­cice crasse de creux-ation. L’auteur feint d’être le plus dis­cret des poètes pen­seurs. Il n’en devient que la contre­fa­çon. Certes, il reven­dique une absence de style. Elle se confirme à chaque page. D’autant qu’elle se veut visible afin d’en impo­ser. Existe donc une gym­nas­tique de type GRS pour lec­teurs réduits au sta­tut de han­di­ca­pés men­taux.
Le tout dans un brouet d’afféteries aussi spé­cieuses que taillées à la serpe. L’artiste y pro­pose un énième “ars poe­tica”. Il n’ouvre que des portes non seule­ment ouvertes mais dégon­dées depuis long­temps. D’où un filage assez sidé­rant d’idées reçues. Le rouge est mis dès le début du texte (ou plu­tôt de l’ouvrage — la dif­fé­rence est impor­tante) : « le réel/augmente/le poème dimi­nue ». Quant à rap­pe­ler que la poé­sie est un « genre » (glups !) ou que cer­tains s’en beurrent le béni­tier et d’autres l’ego (Per­net au pre­mier chef), cela ne fait guère avan­cer le schmilblick.

Tout est conven­tion jusqu’au « poing dans la gueule » que le pen­seur pré­tend nous assé­ner. L’uppercut n’est pas utile : il y a long­temps que le lec­teur a aban­donné le ring où Per­net, faute d’opposants, n’ose même plus affron­ter son ombre. Néan­moins, tout est bon pour son ire et son aura. Non à la poé­sie enga­gée, non la poé­sie déga­gée : tels sont les pon­cifs pous­sifs du nou­vel Homère. Et le pré­cieux ridi­cule de don­ner ses leçons de régu­la­tion.
Tel un poli­ti­cien popu­liste can­di­dat aux élec­tions pré­si­den­tielles de la poé­sie, il feint de raco­ler en rameu­tant la vielle antienne : la poé­sie est faite par tout le monde. Tou­te­fois et de facto, Per­net rap­pelle très vite qu’elle ne peut por­ter ce nom que sous ses mains de maître bras­seur. Et qu’importe si du « bleu du ciel » il ne retient que le roman­tisme chromo en igno­rant celui de Bataille.

Existe  non seule­ment un monde mais une galaxie entre le babillage tel que l’entendent Prigent ou Nova­rina et ce à quoi le réduit l’oiseleur. Bien sûr, il ne rate pas l’occase de faire la morale. C’est d’ailleurs même le prin­cipe des osten­ta­teurs d’ego. Il est vrai que la pré­ten­tion a rare­ment été por­tée si loin — à défaut de haut — dans ce qui tient d’un concours de pis­sat dans une cours de récréa­tion.
L’auteur (enfin presque) ne s’arrête pas en si bon che­min. La nul­lité du dis­cours est à peu près inté­grale.
Et lorsque l’artiste lance son « je n’ai même plus l’impression d’être poète » : qu’il se ras­sure, son livre le confirme. Et lui de le ren­ché­rir au pas­sage en se fen­dant d’aphorismes. De quoi offrir au lec­teur l’occasion de se taper une franche rigo­lade là où pour­tant Per­net estime lui don­ner des sueurs froides : « Si rien n’est vrai, tout n’est pas pour autant com­plè­te­ment faux. » N’est pas Hit­ch­cock qui veut. Et poète pas plus.

jean-paul gavard-perret

Hugo Per­net,  Je vais sim­ple­ment m’habiller comme tout le monde : Street­wear Poem, série dis­crète, 2017, n.p., 2017 — 9,00 €.

 

 

 

 

 

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Filed under On jette !, Poésie

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