Pierre Boisserie & Nicolas Bara, Le Concile des Arbres

Que peut-il sor­tir d’une telle assemblée ?

Depuis plu­sieurs semaines, à l’Hôpital royal pour femmes et enfants, se déroule un phé­no­mène étrange. Tous les soirs, vers minuit, six jeunes enfants se lèvent et vont se mettre en cercle sur une ter­rasse pour se livrer à des incan­ta­tions, chan­ter dans une langue incon­nue. Puis, ils se recouchent et se réveillent comme après une bonne luit, n’ayant aucun sou­ve­nir de leur esca­pade.
Lord Pome­rol, le grand maître du minis­tère public des Affaires pri­vées, alerté par le diri­geant de l’établissement, dépêche ses deux meilleurs agents, Arté­mis d’Harcourt et Casi­mir Dupré. Sur place, ceux-ci se heurtent à une volonté mani­feste de mini­mi­ser les faits, tant par un direc­teur qui craint pour la répu­ta­tion de son éta­blis­se­ment que par un méde­cin qui voit uni­que­ment dans la situa­tion, l’occasion de publi­ca­tions à l’Académie de méde­cine pour connaître la gloire scien­ti­fique.
Il en faut plus pour décou­ra­ger les deux agents qui découvrent un lien entre ces enfants, une atmo­sphère malé­fique dans la clai­rière où ils ont été trou­vés, qui s’étonnent du nombre d’agents démis­sion­naires. Mais leur enquête gêne des indi­vi­dus déter­mi­nés qui…

Pierre Bois­se­rie est un scé­na­riste pro­li­fique et éclec­tique. Il signe ou co-signe dans des domaines his­to­riques avec Flor de Luna, La Banque, Dan­tès, de science-fiction comme La Croix de Caze­nac, Voya­geur. Il a peu abordé le fan­tas­tique. Aussi, il est inté­res­sant de voir avec quel esprit il aborde ce genre seul à l’écriture. Le scé­na­riste ima­gine un couple d’enquêteurs que beau­coup de choses opposent. Elle est de des­cen­dance aris­to­cra­tique alors qu’il traîne un passé de tueur, elle est édu­quée alors qu’il est assez rus­tique… Pierre Bois­se­rie se joue, avec eux, des cli­chés fai­sant, par exemple, de son héroïne, une jeune femme prête à par­tir en quelques secondes alors que le héros met un temps fou pour se pré­pa­rer.
Il concocte une intrigue attrac­tive où les évé­ne­ments du pré­sent prennent leur source dans un passé loin­tain, un passé ter­rible qui fait appel aux forces pri­males, aux forces noires de la créa­tion. Mais le moteur prin­ci­pal du récit est cette quête du pou­voir sur les autres, cette volonté qui per­ver­tit tout sen­ti­ment, toute huma­nité. Il suf­fit, aujourd’hui, de suivre le micro­cosme poli­tique pour avoir une bonne idée de ce qu’il peut entraî­ner, peut faire faire à des indi­vi­dus qu’on ne peut plus qua­li­fier de nor­ma­le­ment consti­tués. Bois­se­rie signe des dia­logues piquants, des échanges fort humo­ris­tiques entre les héros.

Nico­las Bara a déjà eu l’occasion de faire équipe avec Pierre Bois­se­rie pour Le Chant des Mal­pas (Dar­gaud, 2006). Il offre un gra­phisme très attrayant, don­nant vie à des per­son­nages bien typés, cam­pés, tel ce gar­çon solide, cette jeune femme aux formes agréables à regar­der qu’il habille de façon très ajus­tée, comme le fait remar­quer son équi­pier. Il met en valeur l’ambiance gothique, envoû­tante, ajou­tant avec des cou­leurs sombres un aspect ter­ri­fiant. À la vue de cet album, on ne peut que regret­ter l’éloignement de ce des­si­na­teur hors pair de la BD, lui pré­fé­rant l’industrie du jeu vidéo, sans doute plus rému­né­ra­teur. Faudra-t-il donc attendre dix ans avant d’avoir le grand plai­sir de retrou­ver un album de Nico­las Bara ?
Avec Le Concile des Arbres, ces deux créa­teurs réa­lisent un album de qua­lité, avec une intrigue inté­res­sante, met­tant en scène un fan­tas­tique attrac­tif, et une mise en images par­ti­cu­liè­re­ment réussie.

serge per­raud

Pierre Bois­se­rie (scé­na­rio) & Nico­las Bara (des­sin et cou­leur), Le Concile des Arbres, Dar­gaud, avril 2016, 64 p. – 14,99 €.

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