Le dandysme mesuré de Sabine Pigalle
Sabine Pigalle travaille le portrait dans un sens du jeu qui n’exclut pas la gravité — au contraire. Il permet de déboîter les gonds du langage plastique, de l’histoire des costumes et aussi de la nudité. S’y mêlent aussi littérature et cinéma. Est caressé – mais du bout des doigts — L’Amour fou cher à Breton dont Sabine aurait détesté avec raison son côté sous-pape.
Sachant que la perfection n’est pas le modèle le plus partagé au monde, la photographe s’y attelle avec un certain dandysme. Face à un monde dépressif et qui méprise la vie, la photographe tente de construire une œuvre qui « tient ». Mais dans les marges. Pour autant, elle ne s’abstrait jamais du monde. Elle se concentre sur l’accomplissement de figures hybrides.
Dans chaque prise, il s’agit aussi pour la créatrice d’aborder ses propres images rémanentes et obsessionnelles qui — si l’on tente un rapprochement visuel — pourraient rappeler la robe de la Mélancolie de Dürer, ses plis, ses sillons et ses passes dans un jeu de voile et de dévoilement — comme un art japonais des estampes en passant par Ozu.
Chaque photographie de Sabine Pigalle est un voyage au bout de la nuit. L’artiste traverse celle-ci arrimée à ses propres ombres et ses lumières au moment où elles renversent le jeu classique du portrait avec l’humour le plus discret.
Loin du mythique (que par ailleurs elle ne cesse de déstructurer,) la photographe pénètre un intime moins par effet de nudité que de voile. Elle refuse le simple jeu de la dérision ou de la provocation car cela est bien trop simple dans une époque où une telle propension est devenue la norme.
jean-paul gavard-perret
Sabine Pigalle, In Mémoriam, 17 rue Les Filles du Calvaire Paris 75003, du 18 mars au 30 avril 2016.