Rosalind Fox Solomon, Got to Go

Les visions décalées

Rosa­lind Fox Solo­mon vit et tra­vaille à New-York. Ses œuvres sont recon­nues dans le monde entier et sont inclues entre autres dans les col­lec­tions du Moma. Deve­nue direc­trice régio­nale du “Expe­riment in Inter­na­tio­nal Deve­lop­ment”, elle visita diverses com­mu­nau­tés du sud des USA. Elle les pho­to­gra­phia et devint une mili­tante enga­gée pour les droits des mino­ri­tés. Son enga­ge­ment l’emmena jusqu’au Japon, le Gua­te­mala, etc. mais c’est dans son pays qu’elle réa­lise ses plus belles pho­tos et films.
L’artiste porte prin­ci­pa­le­ment son regard sur les exclus, les « out­si­ders » les mino­ri­tés (Noirs, Indiens) ainsi que sur les rituels funé­raires et les vio­lences eth­niques. Ses pho­to­gra­phies ne font pas pour autant dans le misé­ra­bi­lisme : il existe sou­vent en elles une forme de tragi-comédie. Les mou­ve­ments de l’imaginaire gardent un libre par­cours face au réel. Dans ce qui plombe reste le plus sou­vent une place pour sinon une eupho­rie du moins à une sorte d’effervescence.

Sans atti­tude morale, ni juge­ment Rosa­lin Fox Solo­mon conjugue ici dans une sorte de « best of » ses pre­mières pho­to­gra­phies proches du réel aux plus récentes, plus déga­gées des contin­gences. Toutes créent une vision ori­gi­nale de la tragi-comédie humaine. Au fil des prises de vues et par l’inventivité et le regard lucide de la créa­trice, les mises en scène et le natu­rel, le quo­ti­dien le plus trash comme la beauté des êtres prouvent com­ment l’observatrice d’un monde énig­ma­tique et pré­caire le trans­forme en poé­sie. Elle modi­fie notre per­cep­tion par­fois évi­dente des choses pour mettre en porte-à-faux notre assu­rance et notre suf­fi­sance confor­tables. De nou­veaux regards sont sol­li­ci­tés, un uni­vers riche se fait jour. Le res­sort dra­ma­tique tient pré­ci­sé­ment à ce regard pro­fond et tor­turé porté sur le monde.
Saisi par un sen­ti­ment d’implication totale, le regar­deur est sidéré comme pri­son­nier de ses images. Rosa­lind Fox Solo­mon ne cherche jamais une domi­na­tion sur ses modèles. Elle crée à tra­vers eux un uni­vers plas­tique tou­jours sur­pre­nant et par­fois drôle, capable de pis­ter le fur­tif, l’invisible, l’inavoué. Elle traque aussi par effet de sur­face un état inté­rieur comme l’existence ou la rémi­nis­cence d’un vécu sou­vent trau­ma­tique mais qui, pour­tant, échappe au voyeu­risme là où la créa­trice cultive de manière ins­tinc­tive l’authenticité et la sen­si­bi­lité en ce qui devient des cris muets et des actes de mys­té­rieuses et pro­vo­cantes pié­tés – ce qui n’empêche pas humour et décalages.

jean-paul gavard-perret

Rosa­lind Fox Solo­mon, Got to Go, Mack Edi­tions, Londres, 2016, 144 p. — 30,00 €.

 

 

 

 

 

 

 

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