Le ciel est bleu sous le poids des murailles de Jérusalem. La ville reste un lieu unique. Elle ne cesse de redresser son inflorescence telle une « obsérieuse ». On la voit ressurgir à la réalité d’une double mémoire : juive d’un côté, palestinienne de l’autre. Adonis les rassemble :
« Tu sais ère
Que les fourmis sont plus élevées que les astres
Le destin des fourmis est de parler à Salomon
Mais les astres ne le peuvent pas ».
Partant de ce constat, le poète pose deux questions essentielles, une générale et une personnelle :
« Pourquoi la mort prend-elle du retard à Jérusalem ? »
et
« Comment une tête est-elle emprisonnées dans le caveau des mots qu’elle a elle-même créés ? »
De ce mystère, Jérusalem est à la fois le point de départ et d’arrivée. Corps et lieux sont comme fixés dans un temps sans temps, un temps à l’état pur.
L’essentiel de l’approche poétique tient d’abord à la rencontre d’êtres auxquels Adonis donne, par Jérusalem, une valeur universelle et non réductrice à une histoire et une géographie. Il ne cherche pas à jouer les reporters « engagés » mais crée un rapport très immédiat et affectif à cette ville à nulle autre pareille. Surgit une volonté poétique d’enrichir et de dépasser l’histoire et le temps afin de mieux permettre de ressentir l’éclatement des possibles. D’où la tension entre le fini de la condition humaine et l’ infini singulier inhérent à chaque culture. La poésie devient l’action pacifique de les rassembler.
jean-paul gavard-perret
Adonis, Jérusalem, traduit de l’arabe par Aymen Hacen, Mercure de France, Paris, 2016, 100 p. — 17,00 €.