Céline Guichard est une styliste particulière. Elle concrétise ce qu’écrit Bernard Noël : “C’est en défaisant qu’on fait”. Ses dessins « textiles » créent cependant moins des déconstructions que des transformations où le vêtement devient non seulement une peau mais un corps. Par accrocs, jointures, coutures il reprend droit de cité . En ce sens, l’artiste lutte contre la ressemblance à « façon » (pour parler couture) et par voie de conséquence contre nos constructions mentales. Le vêtement est fait de cambrures et de spasmes. Il sort des limbes du quotidien pour devenir chimère propre à d’extraordinaires voyages entre le dehors et le dedans.
Les oeuvres ne représentent en rien un miroir de la mode, mais saisissent les structures pour faire saillir leur matière en deçà.
Au monde, l’artiste propose ses nécessaires césures et hiatus. L’œil traverse des passes inédites. Le concept d’art textile prend un nouveau genre. Le dessin seul en est la matière et l’effluve en des monochromes volumiques compactes mais aussi en ouvertures. Ce sont des structures mystérieuses à la beauté baroque. Contre les simples apparences des jeux de surface, la profondeur prend droit de cité.
Surgissent des achèvements paradoxaux par effet de béances. Tout est transmutation vers d’iconoclastes béatitudes. Des courbes s’érotisent en absence de corps — l’inverse est vrai aussi. Elles montrent par dessous ce qui est fomenté en dessus. Le concept de couture n’a donc plus besoin de traités théoriques : une image suffit. C’est vieux comme le monde : souvenons-nous de l’adage : « une image vaut mille mots ». Encore faut-il que l’image tienne la route et crée un lieu imaginaire. Céline Guichard y parvient avec superbe.
jean-paul gavard-perret
Céline Guichard, Garde-robe, Tetra Editions, 2016.