Jean-Yves Le Naour, 1917. La paix impossible

L’année de tous les excès !

Fin 1916, des évé­ne­ments conju­gués comme la mort de l’empereur François-Joseph, les effets du blo­cus naval bri­tan­nique sur les popu­la­tions, les échecs à Ver­dun et sur la Somme, amènent l’amirauté alle­mande à repro­po­ser la guerre sous-marine à outrance. Pour jus­ti­fier celle-ci, le chan­ce­lier alle­mand rédige une pro­po­si­tion de paix …inac­cep­table par les alliés. Mais cette offre de paix s’insère dans l’esprit des popu­la­tions et, comme un virus, mine le jusqu’auboutisme des mili­taires. Fin 1916, c’est la mise au pla­card, avec tous les hon­neurs, de Joffre dont l’attitude a lassé toute la classe poli­tique, pour le rem­pla­cer par Nivelle, ce géné­ral qui pro­met la vic­toire en 24 heures. Il s’appuie sur son suc­cès local, à Ver­dun, obtenu dans des cir­cons­tances pré­cises, pour en faire une règle géné­rale. Or, des condi­tions bien dif­fé­rentes entraînent le désastre que l’on connaît. Mais l’historien expli­cite toutes les res­pon­sa­bi­li­tés qui ont conduit à l’échec de Nivelle au Che­min des Dames, en avril 1917, sans le dédoua­ner pour autant : 117 000 morts pour les vingt pre­miers jours de com­bat.
Paral­lè­le­ment, c’est l’entrée en guerre des États-Unis excé­dés de voir cou­ler leurs navires et aga­cés par l’entourloupe des Alle­mands fomen­tant un com­plot contre eux. C’est ainsi que s’inaugure la diplo­ma­tie amé­ri­caine du XXe siècle : de grands idéaux moti­vés par des motifs mer­can­tiles et des inté­rêts bien pesés. En ce début d’année, la révo­lu­tion triomphe à Petro­grad. La situa­tion interne de la Rus­sie est telle que, mili­tai­re­ment, il ne faut plus rien attendre de cette armée paralysée.

Ce sont éga­le­ment les muti­ne­ries, les refus de mon­ter en ligne, les mani­fes­ta­tions de colère des sol­dats, de tous ceux qui en ont assez de se faire tuer pour rien. Mais ce sont aussi, dès le prin­temps, à l’arrière, les mou­ve­ments sociaux des ouvrières mal payées alors que les prix des den­rées de pre­mières néces­si­tés s’envolent. Clé­men­ceau, qui se pose en recours depuis quelques mois, triomphe en novembre. Il com­pose un gou­ver­ne­ment de sous-fifres pour être le seul maître. Jean-Yves Le Naour décrit, avec objec­ti­vité, le par­cours de ce ven­déen : “La mémoire a élevé une telle sta­tue au Tigre qu’il n’est en effet pas si évident de le désa­cra­li­ser en reve­nant sur les petits cal­culs peu hono­rables qui l’ont conduit au pou­voir.
Avec des élé­ments his­to­riques de pre­mier ordre, avec un art consommé de la nar­ra­tion, l’historien offre un récit pal­pi­tant, vivant, tendu, proche du rythme d’un thril­ler. On ne lâche pas ce livre, se pas­sion­nant à l’évolution des situa­tions, pour des acteurs plus ou moins atta­chants dont on connaît, cepen­dant, la destinée.

Le Naour sait prendre de la hau­teur de vue pour faire appré­cier les consé­quences de déci­sions, les réper­cus­sions de celles-ci sur la popu­la­tion, sur la troupe. Il donne des détails piquants, pré­cieux, sur la vie quo­ti­dienne comme, par exemple, Joffre qui doit payer le chauf­fage du bureau qu’on lui a trouvé aux Inva­lides. Il montre aussi, dans leur réa­lité, le che­mi­ne­ment des déci­sions prises, les moti­va­tions sor­dides des poli­ti­ciens, les cal­culs mépri­sables pour arri­ver au pou­voir, puis pour s’y main­te­nir, sans se sou­cier le moins du monde du nombre de morts que vont entraî­ner ces impé­ri­ties.
Avec 1917. La paix impos­sible, Jean-Yves Le Naour conti­nue d’élever un monu­ment éru­dit sur ce conflit. S’il fal­lait choi­sir une série, parmi la plé­tho­rique pro­duc­tion sur le sujet, c’est la seule à retenir.

serge per­raud

Jean-Yves Le Naour, 1917. La paix impos­sible, Edi­tions Per­rin, octobre 2015, 448 p. – 23,50 €.

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