La nudité demeure toujours problématique dans l’art comme dans notre société. Herman Capor la traite de manière particulière lors de sa collaboration avec une jeune femme — Verana — juste après une importante opération du ventre. A son réveil, la jeune fille découvrit sur son corps une très longue balafre du pubis jusqu’au nombril. Avec l’accord de Verena, l’artiste a suivi l’avancée puis la rémission de sa maladie.
Inspiré par Modigliani et ses modèles, le photographe a entretenu avec le sien plusieurs séances de shooting. Il a su créer un étrange rapport entre le signe d’une maladie importante et la figuration érotique. L’ensemble des photos est complété par un journal des deux protagonistes pendant cette période. Certes, la photographie ne revendique pas la satisfaction pulsionnelle : elle met en exergue le gain d’une “dépense” particulière par l’exhibition de la nudité dégagée de sa valeur d’ « usage ».
La « fonctionnalité » est plus secrète. L’art devient le seul moyen de faire glisser de l’ombre à la lumière. Le corps n’y est pas manipulé, son détournement crée une intimité d’un genre différent. Le nu se trouve reconsidéré par un travail grave et sérieux qui tient d’un rituel. L’impression est ambiguë car double : d’un côté, il y a la sublimation de la vie face à la mort mais, d’autre part, l’œuvre soumet à un voyeurisme qui à la fois peut se comprendre dans sa philosophie mais qui peut paraître douteux.
H. Capor navigue sur le fil du rasoir en évitant complaisance et commisération. Ses photos restent froides, respectueuses et souvent belles mais n’évacuent pas un certain malaise. N’est-ce pas cela que les deux protagonistes ont cherché à produire ?
jean-paul gavard-perret
H.H. Capor, Verena, Fotohof Edition, Salzbourg, 2015 — 35, 00 €.