Lapines et renardes d’Anaïs Genot sont des séductrices faussement naïves sous leur impeccabilité d’écolières assidues. A travers de telles « travesties » — parfois bisexuelles par inadvertance -, l’artiste est habitée par deux désirs : accéder au paradis immédiat du plaisir de faire et en laisser une trace qui parle au regardeur. En ce sens, son questionnement sur le sexe n’est jamais vraiment apprivoisé même si l’érotisation des images sont les bases de son œuvre.
La soie des dessins épouse le corps et son aspiration aux brillants essors de la perversité. Des tréfonds obscurs surgit le statut ambigu de la féminité dans une société avide de cloisonnements, de morale et de pérennité. Contrainte à une nudité distante, la femme propage une inflorescence qui la prolonge et l’isole. La dentelle ajourée dessinée sous effet de voile, de tablier, de masques et d’autres grimages révèle et offre un visage animalisé parfois et dégagé de l’exigeante virginité des moniales ou de l’effroyable humilité des filles déshonorées. Tout cela, fétichisme compris – comme le service.
La femme peut donc surgir en l’homme telle une saltimbanque. Fatiguée elle recouvre dans les coulisses de sa loge intime une identité dont la scène l’avait dépossédée. Ailleurs elle joue son rôle de trophée lumineux face à l’orgueil masculin. Elle incarne aussi l’être libérée du mensonge et de son statut d’infériorité. Elle avance nue sous ses dentelles, nue dans l’imbroglio des genres et d’une passementerie perverse. Elle prend, faussement angélique, les traits enfantins d’un archétype obsessionnel. L’amour pour elle n’est plus une menace assumée mais un jeu de poupées. Elles ne craignent plus l’épanouissement éphémère des roses matinales sous l’effet d’un certain « louvoiement » cher au réveil des sens.
jean-paul gavard-perret
Anaïs Genot, Anaïs Genot , Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 2015, 16,00 €.