Gérard Cartier, Du neutrino véloce ou Discours de la virgule

Corps puce : d’un détail, l’autre

C’est bien connu : la vie est une suc­ces­sion de détails. La science et la lit­té­ra­ture aussi. Gérard Car­tier les aborde en les dépla­çant de l’infiniment grand à l’infiniment petit. « Les naines rouges et la lumière du Bing Bang m’envoûtent tou­jours, je n’ai jamais et beau­coup d’inclinaison pour le micro­cosme » écrit celui qui dans ce texte feint (du moins on l’espère) de se « moquer » des révé­la­tions offertes par le grand anneau du CERN de Genève : « Les neu­tri­nos auraient pré­cédé les pho­tons de soixante mil­liar­dièmes de seconde ». La décou­verte lui per­met de bas­cu­ler de manière appuyée, car lourde de faconde apprê­tée, afin de pro­po­ser l’éloge du sacri­fice de la vir­gule : « En s’affranchissant des lois de la gram­maire ne pourrait-on pas sur­prendre des véri­tés insoup­çon­nées ? » affirme-t-il.
La ques­tion est dépas­sée depuis bien long­temps. Toutes les avan­cées lit­té­raires n’ont pro­cédé que de telles entorses. L’auteur semble décou­vrir ce que Rabe­lais dès les aubes de la lit­té­ra­ture fran­çaise avait prouvé. Certes, il ne faut prendre ce texte que pour ce qu’il est : une facé­tie. L’auteur s’amuse à en sup­pri­mer la vir­gule et croit pro­po­ser au lec­teur une impu­dence qu’il n’arrive pas d’ailleurs à mener à bout. Cer­taines demeurent dans son texte : preuve que l’expérimentation n’est pas si simple et que, en dépit de ses modestes avan­cées, Car­tier se prend les pieds dans son propre tapis.

Il se veut sans doute trop intel­li­gent mais, sur­tout, son texte sent autant le fai­seur que le hâbleur. Mul­ti­pliant les inci­dences, se croyant cor­ro­sif, son dis­cours sent l’effort et l’autosatisfaction. Dans son souci « de sépa­rer ce qui revient au pho­ton de ce qui est l’apanage du neu­trino », l’auteur fait de son livre un monu­ment de bana­lité crasse. Il n’enfante rien au sein de sa sub­ti­lité d’apparat com­plai­sant et chargé de fatuité. La lit­té­ra­ture n’en sort pas gran­die. Pas ame­nui­sée non plus tant tout demeure de l’ordre de l’affectation anec­do­tique. Se vou­lant iro­nique et même en dépit de son carac­tère court, l’opus finit par ennuyer.

jean-paul gavard-perret

Gérard Car­tier, Du neu­trino véloce ou dis­cours de la vir­gule,  Pas­sage d’Encres, coll. Trait Court, 2015.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 Comments

Filed under Essais / Documents / Biographies, On jette !, Poésie

2 Responses to Gérard Cartier, Du neutrino véloce ou Discours de la virgule

  1. Gérard Cartier

    Pour Jean-Paul Gavard-Perret
    Mon­sieur,
    La vio­lence de votre note me stu­pé­fie. Je m’en console en me disant que vous êtes cou­tu­mier du fait (je suis en bonne com­pa­gnie) et qu’on ne peut pas plaire à tout le monde (mon petit récit avait été jusqu’ici très bien reçu) : l’ironie n’est mal­heu­reu­se­ment pas la chose du monde la mieux par­ta­gée.
    Une chose pour­tant me laisse incré­dule. Com­ment pouvez-vous écrire ceci : « L’auteur s’amuse à en sup­pri­mer la vir­gule et croit pro­po­ser au lec­teur une impu­dence qu’il n’arrive pas d’ailleurs à mener à bout. Cer­taines demeurent dans son texte ». Je n’ai rien cher­ché de tel. Mon nar­ra­teur dit expli­ci­te­ment le contraire. Pas une des vir­gules néces­saires ne manque, et elles sont en abon­dance. Quant à Rabe­lais, que vous réveillez pour me châ­tier, il est jus­te­ment cité dans le post-scriptum à cette courte fic­tion.
    Par ailleurs, com­ment pou­vez écrire cette note sans jamais citer le nom d’Olivier Rolin ?
    Je crains que vous n’ayez par­couru ma nou­velle avec la vélo­cité exces­sive qui lui sert de pré­texte.
    Gérard Cartier

  2. Villeneuve

    Comme le neu­trino la cri­tique reste libre . Mieux vaut la célé­rité éclai­rée du pho­ton JPGP que l’hypothèse Car­tier d’une ” vélo­cité exces­sive ” de par­cours lit­té­raire . Point sans virgule .

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