Une fois encore l’imagination sans limites de Serge Brussolo fait merveille pour une intrigue musclée où le suspense ne se démet pas. Il multiplie les trouvailles tant techniques, technologiques que de situations. Il inclut, dans son récit, nombre de concepts, de sujets touchant notre société. Ainsi, il aborde la religion et les religieux qui se servent de celle-ci pour assouvir leur soif de pouvoirs, d’avantages de toutes natures, qui utilisent de dieux, dont ils s’autoproclament les représentants, pour assouvir des masses de fidèles à la manière des meilleurs despotes. L’auteur s’attaque aux dieux, eux-mêmes, à la notion de déité, en en faisant une description extraordinaire. À côté d’eux, tous les excès des ténors de la mythologie grecque, par exemple, ne sont que broutilles et enfantillages. Il imagine une remise à zéro séculaire pour ces sociopathes, afin d’effacer de leur mémoire toutes les villénies, dont ils sont responsables, qui pourrait générer des regrets, voire des remords.
Il aborde l’eugénisme, cette mise en avant de la jeunesse, au détriment de l’âge adulte et l’âge mûr. Il s’amuse à animer des jeunes sans expériences, persuadés de tout savoir, des jeunes loups pour qui rien n’existait avant leur arrivée, intimement persuadés que le monde ne s’est créé qu’avec eux. Il joue avec toutes les variations possibles, ne sollicitant aucun frein. Il met en scène des rajeunissements de toutes natures, invente l’AAAA, l’accession accélérée à l’âge adulte…
Bien qu’il soit toujours le camerlingue en titre du clone de Nathanos III, le pape de L’Église du Pardon Universel Intergalactique, David Sarella est en disgrâce. Sous couvert du titre ronflant de superviseur de la haute ligne de défense, il n’assure que des tâches administratives. Pourtant, les artilleurs ont fort à faire face aux avions kamikazes, bourrés d’explosifs, qui tentent de détruire la forteresse. Les carcasses des bombardiers abattus s’entassent autour des murailles formant une jungle où se développe un étrange peuple créé à partir des survivants par des mécabots et des médibots. Ces robots sont conçus pour improviser, adapter tout ce qu’ils trouvent en armes destructives ; pour réparer les humains coûte que coûte.
Au cours d’une mission à haut risque dans la zone, David acquiert la certitude que la forteresse est sapée et va s’écrouler bientôt. Le pape, prévenu, avait une solution de repli. L’Église a acquis Almoha, une planète sauvage et inhabitable. Le terraformage est long et le temps presse. Seules des entités divines peuvent rapidement transformer ce désert en nouveau sanctuaire de Nathanos III. Or, ces dieux ont été enfermés par les humains. C’est David, sa fille July, et une équipe triée sur le volet qui doivent en délivrer trois de leur prison et les forcer à faire le travail attendu. Mais une surprise de taille les attend. Pour annihiler leurs pouvoirs, les dieux ont été découpés et les morceaux dispersés. Leur assemblage doit se faire sans erreur car celle-ci déclencherait une déflagration d’énergie équivalente à celle d’une bombe atomique. Et puis, un mortel peut-il se faire obéir de dieux qui sont des monstres d’égocentrisme, des sociopathes ?
Avec David Sarella, Serge Brussolo repropose Almoha, un lieu emblématique de son œuvre, un lieu qu’il a mis, pratiquement, à toutes les sauces. Il serait intéressant que quelque exégèse dresse une liste des différentes formes qu’Almoha a pu prendre jusqu’ici. Il place nombre de réflexions pertinentes, de opinions amusantes, des traits d’humour acérés. Ainsi, il propose des dieux à l’allure commune, sans rapport avec la représentation qui peut en être faite dans Le Crépuscule des dieux, en remarquant : “…la banalité physique n’exclut pas la volonté de puissance.”, une remarque qui touche bien des hommes politiques.
Avec ce nouvel univers, Serge Brussolo offre un véritable feu d’artifices d’inventions, de situations décalées, angoissantes à souhait, avec un sens du récit qui n’appartient qu’à lui.
serge perraud
Serge Brussolo, Anges de fer, paradis d’acier, Folio SF, mai 2015, 464 p. — 8,00 €.