A l’image de la vie que l’on ne peut retenir, pour Joël Vernet chaque livre est un signe, un départ et un adieu : multiple et un, significatif et jamais préparé. L’œuvre du poète du Massif central est un « interminable journal inachevé, inachevable ». Le réel seul y est suggestif et semblable aux images qu’en de nombreux voyages sur les terres d’Afrique le poète a saisies : mouvantes, fuyantes et presque innommables. Contre la vie immobile, chacun de ses textes se veut la synthèse provisoire de ce que voient les yeux là où le sable rejoint les pierres et où un fleuve dessine ses méandres. Il est donc toujours nécessaire de s’attarder pour retarder les adieux.
Les paysages comme les êtres finissent par disparaître. Mais chaque expérience, chaque livre empêchent de croupir. La poésie doit retenir les couchers de soleil, les éclats d’âme et fait de l’autre un compagnon de voyage. Il s’agit de partager avec lui « la plus haute ferveur et l’insupportable ennui », le pain, les jours, bref un ordinaire. Le livre est donc celui « l’Adieu » mais aussi des Retrouvailles, le livre des regards. Ils gardent en eux l’envie de ciels limpides, de temples, de bordels, de nuits à la belle étoile, de quelques amours furtives aux chambres défaites. La poésie de Vernet y interroge en permanence le réel, balaie les illusions, métamorphose ce que l’œil a vu : elle donne à la beauté un autre visage : buriné de brèches et de veines lourdes à mesure que le temps passe.
jean-paul gavard-perret
Joël Vernet, L’adieu est un signe, Editions Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2015 — 14,00 €.