La chaleur du vivant et la froideur du monde – Stéphanie Pfister
Dessins, textes, installations de Stéphanie Pfister créent une méthode critique qui oblige à repenser le réel et tous ceux qui nous plongent dans le chaos par l’exercice de leur volonté et — sans doute — de notre faiblesse. L’œuvre devient donc l’expression directe d’un instinct de survie. Elle donne forme au fond le plus profond du sans fond pour que passe l’envie de ne plus penser. Quand une piscine se met à voler dans les airs, il est temps en effet de se remettre en état de médiation.
De telles propositions — souvent démentes — deviennent de paradoxaux appels à la lucidité jusque dans les techniques et les mediums choisis par l’artiste : souvent l’écrit quitte la page pour occuper d’autres « lits ». Lesquels permettent au discours de se poursuivre au sein d’« iconoplasties » monumentales ou réduites. Elles font ressembler parfois le champ de l’art à un cimetière de stèles. Quant au dessein, ils recèlent tous des déchirures (et pas seulement d’âme) et des équilibres douteux en un univers aux perspectives multiples, au milieu d’un décor hors de l’espace et du temps.
Par la précision du trait, la puissance scénographique des œuvres possède une rare force. Etres et objets deviennent des moteurs à un travail de mémorisation mis au service d’un imaginaire hors de ses gonds. L’ébauche d’une simple main grevée de trois traits suffit à stigmatiser de manière poignante la vieillesse. Preuve qu’il n’est pas utile de se rapprocher — figurativement et fidèlement — du réel pour rameuter l’absurdité qu’il génère.
jean-paul gavard-perret
Stéphanie Pfister,
– La plage, Edition Ripopée, Nyon, 2015.
– Entre le soulèvement des fesses et le soulèvement des pistolets en plastique, art&fiction, coll. Sonar, Lausanne, 2015.