Alexandre Dalicia est radical sur un point lorsqu’il s’agit de l’amour : “le savoir tord le ventre et pousse à l’excrément”. C’est donc un sentiment qui peut mettre dans la mouise. Pas la peine d’en rajouter. Même si les “poèmes cruels” de l’auteur ne font pas totalement barrage à la passion. L’être y est forcé afin de retrouver sa condition première. Certes les feux de l’amour ne brillent plus. Enfin presque. A son corps défendant le poète demeure néanmoins dans leurs brandons et leurs cendres. Certes, la séparation tardive “oblige” à l’abandon. Oblige surtout à écrire. Par où ça passe. Et ne passe plus. Le livre avance donc entre effacements et symptômes. De l’eau bouillonnante il glisse à l’eau dormante dans la solitude, le sursaut (de lucidité faute de galipette ?), le “sûr-si” douteux, hypothétique
L’amour qui se quitte ne se quitte plus, dit en substance Dalicia. Cela reste malgré tout ce qu’il tente d’inciser dans le “marbre” : à savoir une maladie, une addiction, un alcoolisme. Et la leçon implicite ne pencherait-elle pas donc vers un qu’importe si l’amour qui ne sauve pas ? Certes Dalicia sait qu’aimer ne sauve rien. Mais ce n’est pas le problème. Chacune et chacun tourne autour de son espace, de sa grammaire élémentaire.
Tout le monde espère que lorsqu’on est quitté, l’amour n’est pas encore parti. Du moins pas trop loin. Pas en totalité. Qu’on se méfie donc du titre à la Cioran du livre. Son texte est le sel du sale amour, le piment même si à force son poivre lasse. Restent sa pluie d’été, sa pluie d’hiver. Son roman de garce. Qui un jour rendra nostalgique. L’auteur pourra se rappeler qu’il n’a pas toujours été vieux. Son lecteur aussi.
jean-paul gavard-perret
Alexandre Dalicia, De l’inconvéient d’être aimé, coll. Expérimental, Editions de l’Arsenal, 2014, 168 p.