Cécile Granier de Cassagnac provoque, en particulier par le dessin, l’insurrection d’un bestaire selon diverses modalités d’assemblages pour donner consistance à des êtres hybrides : insectes bizarres, volatiles aux pieds enflés, êtres-écorces ou à trois jambes et bec de canard. Le banal de l’apparence est transformé selon la belle hypothèse d’un art à la fois de veille volontairement bancale et d’humour. Il est bâti pour introduire de la magie dans une société qui en manque. Valérie Rouzeau y répond aussi habilement que naturellement par des choses vues où tout le monde goutte: “l’eau frémit dans la casserole” et — entre autres - “un petit gamin soulève la bâche plastique de sa poussette / pour viser sa grande sœur au pistolet”. Qu’on se rassure : il est à eau.
Sans se vouloir engagés, dessins et poème jouent de l’effacement afin de faire renaître l’image d’organismes ranimés en de nouvelles marges et d’étranges maisons de l’être. Les “normes” esthétiques des deux créatrices se dégagent de celles du tout-venant et du convenant. L’icône de base comme l’écriture se voient triturées par des effacements et des redressements. Le réel est remis au défi de l’impensable ou du quotidien ironisé.
Entre attachement et détachement, filiation mais coupure, Houtsiplou instruit la critique — de manière stylistique — du commun d’une réalité. Laquelle est dégagée de ses assignations au profit d’une liberté reconquise. Tirant des oripeaux de branches et de pans d’oiseaux des dessins sa force, le poème s’en nourrit, les avale pour explorer leurs rêves étouffés en une étrange “musique” drôle et tendre, qui accroche de faux seins au bon sens.
jean-paul gavard-perret
Valérie Rouzeau & Cécile Granier de Cassagnac, Houtsiplou , Maeght, Paris, 2014.