André Du Bouchet, Sans couvercle

André Bou­chet : ouverture

Après l’édition ori­gi­nale en 1953 chez GLM, cette repu­bli­ca­tion de Sans cou­vercle  per­met de remon­ter dans le « gre­nier » du poète et de répondre à son injonc­tion : « Mots puisque vous êtes par­lez». Mais refu­sant de les tas­ser et de les ran­ger sous la pous­sière de poutres faî­tières et selon l’économie poé­tique et nar­ra­tive tra­di­tion­nelle, Du Bou­chet les semait déjà par touffes éparses, les lan­çait à l’air libre afin d’en défaire la pier­raille et pour que de l’ombre jaillisse la clarté de leurs étoiles telluriques.

Le poète avan­çait donc contre la langue qui se prête à trop d’éloquence. Il la trans­forme en fruit d’un bruit et non d’un savoir. Le poète y épure le moindre là où il s’agit moins d’émerger du fran­çais que de la « langue à dire » que pos­sède toute langue — à savoir ce qu’Husserl nomma l’ « Hori­zon vide du à dire ». Contre la nos­tal­gie et son chaos, celui qui se vou­lut « l’enfant sau­vage » fut le père à venir (et non reve­nir) de tout. Chez lui, l’air est plein de fond. Le trait est sa limite. Le vide crée le concret. Qu’importe si les inter­ro­ga­tions ne com­portent pas de réponses. Il n’y a pas de oui ou de non. Juste le silence, la vie, le mot dont le sens est un mou­ve­ment. Il ne raye pas le monde mais le grave en des seuils vola­tiles. Le vide est actif par autre chose que lui-même comme il est actif par autre chose que le plein.

jean-paul gavard-perret

André Du Bou­chet, Sans cou­vercle, Edi­tions Fis­siles, 2014, 72 p. - 20,00 €. 

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