Ellie Midwood, La fille à la robe rayée

Quand l’amour est le plus fort

Le roman que pro­pose l’auteure est ins­piré de faits réels. C’est à par­tir de l’histoire d’Helena Citrónóva et de Franz Wunch, deve­nus res­pec­ti­ve­ment Klei­nová et Frank Dah­ler dans le livre, qu’elle construit son récit.
Cette his­toire dif­fère quelque peu des innom­brables témoi­gnages, mémoires et autres ana­lyses his­to­riques. Helena fait par­tie de ce convoi de deux mille femmes dépor­tées de Slo­va­quie à Ausch­witz. Arri­vée le 21 mars 1942 elle doit être gazée le len­de­main. Mais avant, elle doit chan­ter pour l’anniversaire d’un gar­dien SS. Séduit, celui-ci obtient que son exé­cu­tion soit annu­lée et il la fait ins­crire dans l’unité de tra­vail Kanada qu’il a sous ses ordres.

Le roman débute en 1947 quand le Dr Hoff­man, psy­chiatre, tra­vaille pour le tri­bu­nal de déna­zi­fi­ca­tion. Le dos­sier de Frank Dah­ler, un ancien sur­veillant SS d’Auschwitz, l’interpelle. Ce der­nier sou­haite faire témoi­gner son épouse devant la cour. Or, celle-ci est une ancienne pri­son­nière juive slo­vaque qui se trou­vait sous ses ordres dans le camp. Le psy­chiatre va s’intéresser par­ti­cu­liè­re­ment à ce pro­cès. Paral­lè­le­ment, la roman­cière décrit le par­cours de Klei­nová, son arri­vée, les évé­ne­ments qui vont ryth­mer une exis­tence sur un fil…

Ellie Mid­wood offre un roman où elle a tenté de col­ler autant que pos­sible à la réa­lité pen­dant l’écriture, ne pre­nant des liber­tés créa­tives que là où elle ne dis­po­sait d’aucun témoi­gnages de sur­vi­vants, où elle devait avoir recours à son ima­gi­na­tion pour com­bler les vides. Mais la chro­no­lo­gie des évé­ne­ments, la plu­part des figures his­to­riques, la hié­rar­chie com­plexe du camp et le fonc­tion­ne­ment des dif­fé­rentes uni­tés de tra­vail, sont tous fidèles à la réa­lité et les des­crip­tions fon­dées sur les Mémoires de sur­vi­vants et les études his­to­riques.
Contrai­re­ment à d’autres uni­tés où les pri­son­nières sont sou­mises à la bru­ta­lité, l’unité du Kanada béné­fi­cie d’un sta­tut plus facile. C’est là où s’opèrent le tri, le sto­ckage, la dés­in­fec­tion de tout ce que pos­sèdent encore les dépor­tés. Cette unité est essen­tiel­le­ment réser­vée aux femmes. Les tâches sont plus faciles et les pri­son­nières peuvent gar­der les che­veux longs, s’habiller en tenue de ville et se ser­vir en nour­ri­ture. Elles ont le droit de se dou­cher tous les jours. C’est une situa­tion assez folle car, autour de cette enclave, les che­mi­nées de cré­ma­toires pol­luent l’air avec la suie et la puan­teur des cadavres carbonisés.

Avec ce magni­fique et ter­rible roman, Ellie Mid­wood dévoile un aspect peu connu de la Shoah dans un récit super­be­ment documenté.

serge per­raud

Ellie Mid­wood, La fille à la robe rayée (The Girl in the Stri­ped Dress), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Typhaine Ducel­lier, J’Ai Lu n° 14 194, sep­tembre 2024, 480 p. — 8,90 €.

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