Annie Dana, Prépare-toi, je t’emmène au cinéma

Tout ce qui arrive, tout ce qui manque

Un tel roman devient là une manière de tri­cher pour ne pas avouer à soi-même une his­toire deve­nue sacri­lège et déglin­guée par le Maître. Se retrouve ici ce qu’il y a de plus uni­ver­sel : l’intime d’une femme entraî­née sans fin dans un engre­nage mal­gré elle. Accu­mu­lant tout ces petits riens, Emma­nuelle pour­suit ce que son père lui répé­tait : « Prépare-toi, je t’emmène au cinéma ». Ayant du talent, à l’âge de pré­pa­rer sa thèse, elle pou­vait ima­gi­ner que cela devait être un don. Le tout en choi­sis­sant son par­fait direc­teur de thèse. Se voyant si calme, si sereine devant le “Maître”, elle va entre­te­nir une ébauche d’idylle. Mais c’est un pré­da­teur qui s’acharne sur celle qui ne pou­vait pas mieux si bien tomber.

Existe chez elle l’apha­ni­sis (dis­pa­ri­tion du désir sexuel) ayant subi sa propre indif­fé­rence for­cée. L’impossible est sinon accueillant, du moins mor­ti­fère d’aimer trop, sans retour et de labou­rer le champ de l’acceptation de celle qui vire­volte plus de force que de gré comme un papillon autour d’une ampoule. En renon­çant à ses rêves et à l’apogée de sa réus­site, elle subit ce qu’il y a de pire autour. Elle se retrouve trans­for­mée en rien face à celui qui, sous ses yeux, lui avait sem­blé fan­tas­tique. Elle doit s’y faire, se rendre à pré­sent comme avant au cinéma.  Le tout par une prose sobre, pudique d’une cer­taine manière, rapide et exi­geante en une telle farce tra­gique de l’autorité malveillante.

Deve­nue trop dépe­cée aux dents de l’homme qui n’eut qu’à ten­ter pre­miers et le der­nier pas, la voici jetée aux orties. Son corps et son consen­te­ment res­tent entre les griffes du Viking en par­fait équi­libre, la queue dans celle de sa sirène. La pré­da­tion effa­çant toute attrac­tion, il surfe sans aucun souci de sa par­te­naire. Bien­tôt auront lieu d’autres rapts dans sa “méca­nique sur du vivant”. A l’héroïne plus tard de dis­si­per la phrase du père qui l’engageait avec des fan­tômes et de rompre avec les for­tins de la tra­di­tion du viol dans cer­taines ins­ti­tu­tions aux ser­ments d’hypocrites.

jean-paul gavard-^perret

Annie Dana, Prépare-toi, je t’emmène au cinéma, Edi­tions Uni­cité, Saint Ché­ron, 2024, 84 p. — 13,00 €.

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