Patrick Cothias & André Juillard — Les 7 Vies de l’Épervier, 3e époque, tome 1 : “Quinze ans après”

Une bande des­si­née majeure

C’est en 1983 que parait La Blanche morte, le pre­mier des sept albums qui consti­tuera la Pre­mière Époque. Cette série marque une rup­ture dans l’histoire de la bande des­si­née car elle entre­mêle, pour la pre­mière fois, la réa­lité et la fic­tion. Elle met en scène de nom­breux per­son­nages authen­tiques (Henri IV, Louis XIII, Molière…) et des réfé­rences directes à la France du XVIIe siècle.

La saga com­mence quand Gabriel de Troïl, un nobliau auver­gnat, met enceinte l’épouse de son frère. Quelques années après, Ariane, l’enfant adul­té­rin, sera ame­née à se battre en duel contre son géni­teur. C’est à la suite de ce com­bat que l’héroïne s’embarque pour la Nouvelle-France où elle vit les aven­tures rela­tées dans les quatre tomes de la Seconde Époque.
La Troi­sième Époque débute en jan­vier 1642, quinze ans après le départ d’Ariane pour ce qui devien­dra le Canada. Elle est à Paris en com­pa­gnie de Beau, l’indien mohaw qui est devenu son mari et de Ger­main Gran­pin, un ancien ami de Gabriel de Troïl, devenu le maître d’armes d’Ariane et qui fut son amant.
C’est au détour d’une rue qu’elle ren­contre le vicomte de Roque­feuille auquel Ariane arra­cha le nez, quinze ans plus tôt, alors qu’il ten­tait, mal­gré le fait qu’elle soit enceinte, de la vio­ler. C’est pen­dant l’échange des assauts que les sou­ve­nirs lui reviennent, qu’elle repense à Ninon, sa fille, appre­nant de la bouche de Ger­main qu’elle a sur­vécu. Ariane, alors, veut retrou­ver la dans une France où tout est danger…

L’épo­pée conti­nue avec ce dou­zième album qui voit le retour, trente ans plus tard, de ce duo de créa­teurs qui a su faire évo­luer de façon signi­fi­ca­tive, la bande des­si­née his­to­rique. Dans ce nou­veau volet d’aventures de l’inoxydable héroïne, le scé­na­riste place son récit dans une période char­nière, dans une France en muta­tion. Son groupe de per­son­nages s’est étoffé, mais il mal­mène tou­jours autant son héroïne. Jouant avec des flash-back, il revient sur des périodes anté­rieures, éclai­rant des situa­tions, des évé­ne­ments res­tés jusque-là, dans le flou, dans l’ombre. Il met en scène, avec brio, les sen­ti­ments d’Ariane face à ces sou­ve­nirs qu’elle avait occul­tés, qu’elle avait voulu oublier.
André Juillard reprend la plume et les pin­ceaux. La com­pa­rai­son avec le gra­phisme brillant qu’il pro­po­sait déjà, il y a trois décen­nies, per­met de mesu­rer l’évolution d’un maître de la bande des­si­née. Son trait, sa mise en cou­leurs font mer­veille. C’est un régal pour les yeux de par­cou­rir ces planches créées avec une maes­tria sans pareille.

La reprise d’une série, une suite, est sou­vent déce­vante car on ne retrouve pas la magie qui bai­gnait l’œuvre ini­tiale. Avec le retour de Cothias et de Juillard, c’est l’inverse qui se pro­duit. Cette nou­velle époque fait pas­ser au second plan, presque au niveau d’une esquisse, la série-mère. Une superbe réussite !

serge per­raud

Patrick Cothias (scé­na­rio), André Juillard (des­sin et cou­leur), Les 7 Vies de l’Épervier : 3e époque, tome 1 : “Quinze ans après”, Dar­gaud, jan­vier 2014, 56 p. – 13,99 €.

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