C’est en 1983 que parait La Blanche morte, le premier des sept albums qui constituera la Première Époque. Cette série marque une rupture dans l’histoire de la bande dessinée car elle entremêle, pour la première fois, la réalité et la fiction. Elle met en scène de nombreux personnages authentiques (Henri IV, Louis XIII, Molière…) et des références directes à la France du XVIIe siècle.
La saga commence quand Gabriel de Troïl, un nobliau auvergnat, met enceinte l’épouse de son frère. Quelques années après, Ariane, l’enfant adultérin, sera amenée à se battre en duel contre son géniteur. C’est à la suite de ce combat que l’héroïne s’embarque pour la Nouvelle-France où elle vit les aventures relatées dans les quatre tomes de la Seconde Époque.
La Troisième Époque débute en janvier 1642, quinze ans après le départ d’Ariane pour ce qui deviendra le Canada. Elle est à Paris en compagnie de Beau, l’indien mohaw qui est devenu son mari et de Germain Granpin, un ancien ami de Gabriel de Troïl, devenu le maître d’armes d’Ariane et qui fut son amant.
C’est au détour d’une rue qu’elle rencontre le vicomte de Roquefeuille auquel Ariane arracha le nez, quinze ans plus tôt, alors qu’il tentait, malgré le fait qu’elle soit enceinte, de la violer. C’est pendant l’échange des assauts que les souvenirs lui reviennent, qu’elle repense à Ninon, sa fille, apprenant de la bouche de Germain qu’elle a survécu. Ariane, alors, veut retrouver la dans une France où tout est danger…
L’épopée continue avec ce douzième album qui voit le retour, trente ans plus tard, de ce duo de créateurs qui a su faire évoluer de façon significative, la bande dessinée historique. Dans ce nouveau volet d’aventures de l’inoxydable héroïne, le scénariste place son récit dans une période charnière, dans une France en mutation. Son groupe de personnages s’est étoffé, mais il malmène toujours autant son héroïne. Jouant avec des flash-back, il revient sur des périodes antérieures, éclairant des situations, des événements restés jusque-là, dans le flou, dans l’ombre. Il met en scène, avec brio, les sentiments d’Ariane face à ces souvenirs qu’elle avait occultés, qu’elle avait voulu oublier.
André Juillard reprend la plume et les pinceaux. La comparaison avec le graphisme brillant qu’il proposait déjà, il y a trois décennies, permet de mesurer l’évolution d’un maître de la bande dessinée. Son trait, sa mise en couleurs font merveille. C’est un régal pour les yeux de parcourir ces planches créées avec une maestria sans pareille.
La reprise d’une série, une suite, est souvent décevante car on ne retrouve pas la magie qui baignait l’œuvre initiale. Avec le retour de Cothias et de Juillard, c’est l’inverse qui se produit. Cette nouvelle époque fait passer au second plan, presque au niveau d’une esquisse, la série-mère. Une superbe réussite !
serge perraud
Patrick Cothias (scénario), André Juillard (dessin et couleur), Les 7 Vies de l’Épervier : 3e époque, tome 1 : “Quinze ans après”, Dargaud, janvier 2014, 56 p. – 13,99 €.