Emmanuel de Valicourt, Louis XVI et ses frères. Histoire d’une tragédie familiale

Les croix de Louis XVI

On pour­rait pen­ser que le livre d’Emmanuel de Vali­court sur Louis XVI et ses frères, relève de la “petite his­toire” et de l’anecdote. Et on aurait bien tort car il s’agit d’une étude pas­sion­nante, fort sérieuse, bien docu­men­tée, sur l’une des expli­ca­tions de l’échec de son règne, et avec lui de la fin de la monar­chie : le rôle délé­tère joué par ses deux frères, les comtes de Pro­vence et d’Artois.

Commen­çons par remar­quer que le regard de l’auteur se porte bien au-delà de cette ques­tion cen­trale. Tout le début du livre se penche sur la per­son­na­lité de ses parents, le dau­phin Louis-Ferdinand et la dau­phine Marie-Josèphe de Saxe, sur le poids de ce père appelé à régner, por­teur d’un véri­table pro­gramme poli­tique et très sou­cieux de l’éducation de ses fils. Avec cela, une rela­tion déjà ambi­guë du futur Louis XVI avec son frère aîné, duc de Bour­gogne, face auquel un com­plexe d’infériorité ne cessa jamais de le tour­men­ter.
Même au-delà de la dis­pa­ri­tion tra­gique du petit prince. Cette mort dévas­ta­trice qui lui enleva son frère qu’il veilla avec amour, puis son père et enfin sa mère, et fit de lui l’héritier du trône qu’occupait avec un mélange de désin­vol­ture et de dignité son grand-père Louis XV, qui ne s’occupa jamais de son édu­ca­tion politique.

Une fois monté sur le trône, le jeune homme, mal marié à l’insouciante Marie-Antoinette, pouvait-il être à la hau­teur ? Allait-il être aidé par son épouse, et par ses deux frères ? Hélas non. Et ce, pour deux rai­sons qu’explique fort bien Emma­nuel de Vali­court. Tout d’abord, parce que les princes de la famille royale étaient de très jeunes gens, pour ne pas dire des ado­les­cents, à l’éducation bâclée, orphe­lins et sans figures tuté­laires. Ensuite parce que tous subis­saient la malé­dic­tion des familles royales qui place les deux cadets dans l’ombre d’un aîné en constant besoin d’affirmer son auto­rité.
Or, le comte de Pro­vence, qui res­sort de ce livre avec une piètre image, n’accepta jamais cette relé­ga­tion, à la fois fami­liale et poli­tique, et n’eut alors de cesse que de saper l’autorité de son royal frère et de sa belle-sœur, à tra­vers intrigues de cour et libelles mal­fai­sants. Quant à Artois, corps bien fait mais tête vide, l’étude confirme non seule­ment sa nul­lité mais sur­tout sa mal­fai­sance à la cause monar­chique. Le mau­vais génie non seule­ment de la reine mais même de sa propre Mai­son. Et ce serait le cas jusqu’en 1830…

Bref, il appa­raît que la famille de Louis XVI, pour des rai­sons et par des actes de nature dif­fé­rente, porta une res­pon­sa­bi­lité dans la catas­trophe de 1789. En fait, au-delà de leurs per­son­na­li­tés, de leurs qua­li­tés et défauts réci­proques, c’est bien le sys­tème louis-quatorzien que ces jeunes princes ne sur­ent, ou ne purent, por­ter, ni en assu­mer les res­pon­sa­bi­li­tés écra­santes. Ce qui ne dimi­nua pas pour autant leurs fautes personnelles.

fre­de­ric le moal

Emma­nuel de Vali­court, Louis XVI et ses frères. His­toire d’une tra­gé­die fami­liale, Tal­lan­dier, octobre 2024, 512 p. — 24,90 €.

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