Marie L : consolations et suppliques
L’homme et son démon, Marie l’excrète par d’étranges larmes d’éros. Par ses autoportraits et par jeu de bande, elle montre au mâle l’obscénité de son âme de bouc dont elle a caressé les cornes. A force, elles pourraient ressembler au sexe statufié de Victor Noir au cimetière du Père Lachaise. Quant au sujet de son propre enfouissement — la terre entre ses cuisses -, la créatrice le veut miraculeuse. Le suint de l’homme dans son vagin lui a servi à la fabrication des encres de ses images. Elles sortent toute formées de son ventre. Le ciel leur fut et leur reste étranger. A travers ses photographies, on ne peut qu’imaginer dans le noir son lys et sa vallée. Certains y précipitèrent des cristaux de sel pour dessiner leur rictus et leur membre.
Le noir des photographies soulève la nuit. Celle-ci n’existe plus seulement sur la terre étoilée. Le corps de Marie L reste l’endroit d’un cérémonial premier dégagé de tous les péchés d’Israël. Exit — au moment des orgasmes — les lamentos de tourterelles dont les restes gouttaient naguère entre les seins de l’artiste. « Sans fleurs ni couronnes », elle s’oblige à la rigueur d’un recueillement particulier. Et si l’homme l’a laissée pour morte, la résurrection la travaille encore. Gardienne contre l’illusion de l’aube, elle s’oblige dans son comportement à être moins femme que prêtresse. Elle donne à son corps inconnaissable un air de vierge mais aussi d’une Madame Edwarda. Les mains qu’elle lie en prière ne sont pas là pour consoler. Et ses dessous chic cachent le trésor de toute une réserve ornithologique. En bronze-fée, Marie L entre dans l’album du soir au moment où les crépuscules s’offrent à la pâmoison de la nuit. Elle fait du voyeur son pégase des ténèbres. Au besoin, elle valserait sur lui. A elle le crime d’amour, à lui la fièvre de cheval.
jean-paul gavard-perret
Marie L, Ni fleurs, ni couronnes, Editions Collection Mémoires, Paris, 2014.