Dans le massif des Pyrénées, ce 15 août, Alix Ravaillé contemple une immense forêt dont une vaste partie est interdite au public depuis 1920. Sa végétation, inextricable, contribue à sa réputation aussi mystérieuse que dangereuse. Une rumeur circule alimentée par de nombreuses disparitions inexpliquées. Alix est là avec son père et son jeune frère Noa, sur ce parking d’où sa mère est partie pour une randonnée dans cette forêt. Elle n’est jamais revenue depuis huit ans.
Alix intègre la police municipale sous les ordres de son père qui a quitté la gendarmerie avec le grade de capitaine. Alors qu’elle va fêter son entrée dans le service avec des amis, le 4x4 de Christophe, son ami d’enfance et collègue, descend la route du col à toute allure et finit sa course dans le bistrot, écrasant un vieil homme. C’est un inconnu qui tient le volant. Il est mort. Près de lui, un autre homme blessé reprend conscience. Il est terrorisé, balbutiant qu’il y a le Diable là-haut et qu’ils vont tous crever.
Ce résumé des premières pages place le cadre du récit, une histoire qui va s’amplifier autour de cette forêt qui n’est pas aussi rendue à la nature qu’il le faudrait. Les deux hommes ne sont pas des inconnus des forces de l’ordre et vont permettre de tirer les fils d’une intrigue où la tension ne fait que croître et embellir.
Alix, une jeune femme un peu particulière, assure le rôle de l’héroïne. Elle va tenter de comprendre ce qui se passe dans ces bois profonds et aller au bout malgré les dangers, les périls pour trouver l’explication de la rumeur, les raisons des disparitions, de la terreur du criminel.
Mais les auteurs, dont on connaît la malice, ne vont pas se contenter d’un récit aussi linéaire. Ils multiplient de nombreuses intrigues annexes, structurant une histoire à l’ambiance sombre, voire étouffante, un univers mystérieux et noir. Ils engagent leurs personnages dans une course contre la montre, multipliant les énigmes.
Ils mènent un travail approfondi sur la psychologie de leurs protagonistes principaux, que ce soit l’héroïne, son père qui dépasse la cinquantaine, son jeune frère et aussi sur le sujet de la rumeur. Mais chacun ne possède-t-il pas une part d’ombre et de lumière ? Ils proposent des individus qui mentent, qui entretiennent de faux-semblants tant et si bien que les manipulations mènent à des retournements de situations étonnants.
Est-ce possible de se couper de la fureur du monde, d’échapper à toutes ces violences, cette barbarie sans cesse renouvelée ? Peut-on se retirer loin de la fureur du monde pour vivre en paix, pour communier avec la nature, voire se fondre en elle, oublier ces criminels qui mobilisent l’actualité au détriment de ce qui est beau dans l’humanité ? Si, si, il y a encore des humains au sens noble du terme.
Une fois de plus, ce duo d’auteurs démoniaques offre un roman coup de poing, un livre qui met en valeur la préservation de la nature, l’humain, en faisant cohabiter l’ombre et la lumière.
serge perraud
Jérôme Camut & Nathalie Hug, Loin de la fureur du monde, Fleuve noir, coll. “Policier & Thriller”, septembre 2024, 496 p. — 21,90 €.