Sophie Loizeau est une romantique. Mais ses alter ego peuvent être choqués : sauf les rêveurs levant sur elle des hypothèses. A lire certains de ses poèmes, imaginons-laen combinaison-kimono en soie et corset, telle une dame de Shanghai qui, si elle éternue, entrouvre sa cage pour respirer… Enivrons-nous aussi beaucoup de ses textes : ce sont des perles gourmandes et pastel.
Dans une telle œuvre demeure toujours le désir et l’éternelle jeunesse. En chaque vers, quelques paillettes brillent dans le noir, puis tout sombre ou presque mais pour mieux lire en prêtant l’oreille à celle qui chuchote ces textes. Entendons les lire comme les gouttes qui tombent, comme des musiques qui racontent des histoires entre audace et merveille. L’extase est quasi matérielle.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La perspective de mon café, le désir d’écrire.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Pianiste concertiste, danseuse étoile, cavalière sur le dos de Black Beauty… eh bien, je suis devenue poète ! Je l’étais sans doute déjà dans l’œuf.
A quoi avez-vous renoncez ?
J’ai dû renoncer à un amour lorsque j’étais très jeune, un homme qui était marié et très pieux – nous nous sommes aimés pourtant.
D’où venez-vous ?
Du parc de St Cloud et de la forêt de Fausses-reposes qui bordent la ville où j’habitais enfant.
Qu’avez-vous reçu en héritage ?
La capacité de m’émerveiller, que je tiens de ma mère merveilleuse.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le goûter.
Comment définissez-vous votre poétique ?
Libre et audacieuse, très incarnée et sensible. Marginale.
Quelle la première image qui vous interpella ?
Celle de L’extase de St Thérèse, du Bernin (en tout cas c’est celle qui s’impose à moi, là, maintenant).
Et votre première lecture ?
“Fiançailles” de Hermann Hesse. Trouvé toute seule, à l’instinct, dans ma bibliothèque de quartier, je devais avoir 16 ans.
Quelles musiques écoutez-vous ?
La musique classique, avec une prédilection pour les œuvres pour piano (ce goût pour la musique de chambre hérité de mon père). Et sinon, plutôt du pop-rock anglais (grande fan de David Bowie depuis mes 15 ans), et toute musique susceptible de m’embarquer.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis peu – la première expérience forte étant définitive, je ne veux pas risquer d’être déçue. Henri Bosco et les livres d’horreur de Graham Masterton font exceptions.
Quel film vous fait pleurer ?
Ah, je suis une spectatrice très empathique. “Sur la route de Madison”, sans doute à cause de cet amour renoncé, et beau.
Quand vous vous regardez dans le miroir qui voyez-vous ?
Une femme dans la force de l’âge, pleine d’inquiétude et de combativité.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je n’ai jamais eu froid aux yeux. De ce fait, je ne me suis pas privée d’écrire aux écrivain/es que j’admirais. A commencer par Claude Seignolle, à qui j’avais envoyé une rose rouge. Ce qui a donné lieu à une relation par téléphone tout à fait délicieuse. Merci Eric (Dussert) de m’avoir donné son adresse à l’époque !
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Arnouville (ma maison d’enfance et d’écriture aujourd’hui vendue). Trouville, Cabourg, Esbly (villes liées à mon enfance libre). La Chérade, lieu-dit en Creuse, qui a particulièrement nourri mon imaginaire. Et chacun de mes « campements d’écriture » qui sont des lieux reculés devenus sacrés dans la nature. J’en parle comme d’incrustations.
Quels sont les artistes ou écrivains dont vous vous sentez la plus proche ?
Les romantiques, les symbolistes, les surréalistes, tous arts confondus. Mes sources.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un prix pour mon œuvre. Une grande et belle distinction qui me permettrait de baisser la garde et de m’apaiser, enfin.
Que défendez-vous ?
La cause des femmes et celle des animaux – qui est même combat contre la domination des hommes.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Je ne suis pas fortiche pour commenter ces sortes de formulations pied-de-nez qui veulent tout dire et rien.
Que pensez-vous de celle de Woody Allen : « La question est oui mais quelle était la question ? »
Idem.
Quel est le plus beau compliment qu’on vous ait fait sur votre œuvre ?
Ces mots de Claude Leroy tout dernièrement (le 25/10/24) : « C’est l’histoire de la conjonction de deux charismes, celui d’une femme et celui de son écriture. Une rencontre aussi intense est rare”.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Aucune. Merci mille fois, cher Jean-Paul !
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, 22 octobre 2024.