Haut Ys

(Com­ment peindre ?)

Pour remon­ter leurs bre­telles, les peintres, sans bar­bouiller de pen­sées, ne repiquent pas for­cé­ment du bleu sur un ciel les­sivé. Ils n’ont d’autre but que de voir — sans besoin de béquille– le tou­cher.
Il doit res­ter en souf­france même pour res­sen­tir la seule fac­ture de l’effet figu­ra­tif d’abbés de cour ven­trus en sou­tane de soie, de mili­taires san­glés de ver­millon, de major­domes cour­bés à plis cas­sés par l’obséquiosité, d’ambassadeurs à fine mous­tache à l’air d’un client de bor­del et de dames amples à plu­sieurs étages de chignons.

Il faut alors de l’essoufflement dans la matière pic­tu­rale. Maigre, raclée, sèche, peu char­gée elle passe sur la sur­face, presque comme si elle veut l’éviter. Ne pou­vant la creu­ser, hale­tante, courte, presque asphyxiée, coa­gu­lée — une plé­ni­tude d’effacements sen­so­riels quoique frus­trant la sen­sa­tion. Du coup, ce n’est ni une image pleine, ni une rêve­rie, mais un mur­mure amolli, affaissé.
Le monde est au bord de l’absence. Il ne se satis­fait plus de l’espace ancien et appelle à un autre espace, mais ne peut le consti­tuer comme tel. Sa venue ne se devine que dans la peine et la rage dont le regard pressent la menace d’un iris ho hisse. Mais pour l’évoquer, les mots s’en vont aux baves et boues dans le purin de la toile à achever.

jean-paul gavard-perret

Pein­ture de Ricardo Mosner

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