Faire le récit de l’histoire du Saint Empire romain germanique relève du défi tant sont complexes l’organisation et les évolutions de cette structure qui échappe aux catégories politiques habituelles. Raison de plus pour lire avec grand intérêt la courte, claire et fort utile synthèse écrite par une grande spécialiste.
Le fil conducteur, partant de la fin du Moyen Age et allant jusqu’à la dissolution de l’Empire, permet de saisir les lignes de permanences et de ruptures d’une histoire pluriséculaire: l’ascension irrésistible de la maison de Habsbourg qui déporta vers l’Autriche le centre de gravité politique de l’empire; la fracture religieuse qui cependant fut colmatée par la paix d’Augsbourg et de Westphalie ; la montée de certaines principautés et leur transformation en Etat fort et souverain, qui affaiblit la structure impériale de l’intérieur.
En fin de compte, l’auteur nous dresse les grandes caractéristiques d’un Etat hors du commun, reposant à la fois sur la tradition moyenâgeuse et le consensus de ses membres, marqué par la force des liens de nature féodale. Une sorte de fédération corporative d’États, dans laquelle les organisations politiques, religieuses et sociales restent inextricablement liées, dirigée par un Empereur sans pouvoir.
Certes, le Saint Empire romain germanique survécut à de terribles crises, dont la plus dangereuse resta celle de la guerre de Trente Ans, et à de redoutables ennemis, Louis XIV au premier rang. Mais il finit par devenir anachronique avec la diffusion des idées révolutionnaires et nationales de la Révolution française.
L’Empereur François II le mit lui-même à mort. Et personne ne vint à son enterrement.
frederic le moal
Barbara Stollberg-Rilinger, Le Saint Empire romain germanique, Passés/Composés, septembre 2024, 190 p. — 17,00 €.