Murielle Gaude-Ferragu, La reine au Moyen Âge. Le pouvoir au féminin, XIVe-XVe siècle

La reine de France gouverne-t-elle ?

Le royaume de France est connu pour avoir exclu les femmes du trône. Aucune sou­ve­raine de l’envergure d’Elisabeth Ière ne règnera sur ce pays. A l’heure où les socié­tés euro­péennes s’interrogent sur la place des femmes aux postes de res­pon­sa­bi­lité, et sur les iden­ti­tés sexuelles des un(e)s et des autres, il n’est pas inutile, loin de là, de lire l’étude de Murielle Gaude-Ferragu sur la place des reines à la fin du Moyen Âge.
Q
ue les der­niers miso­gynes de la pla­nète se ras­surent, il ne s’agit en aucun cas d’un livre mili­tant, mais bien d’une rigou­reuse étude scien­ti­fique. Certes, on peut regret­ter que l’auteur uti­lise – heu­reu­se­ment à de rares occa­sions – le voca­bu­laire du genre. Elle se demande par exemple si l’on peut par­ler de « biblio­thèques ‘gen­rées’ » pour les sou­ve­raines… Cette réserve faite, l’ouvrage apporte des éclai­rages très intéressants.

Les reines ne règnent pas, c’est un fait. Pour­tant, sans dis­po­ser de l’Auctoritas, elles sont elles aussi cou­ron­nées, béné­fi­cient des « entrées royales » dans les villes, accueillent princes et ambas­sa­deurs étran­gers, sont enter­rées à la basi­lique Saint-Denis, non seule­ment avec leur royal époux, mais de plus en plus à ses côtés. A la Cour, la sou­ve­raine dis­pose d’un per­son­nel nom­breux et, comme le rap­pelle l’auteur, de qua­lité. La fonc­tion de régente se pré­cise, d’un point de vue juri­dique, à une époque qui appa­raît bien comme un tour­nant. Lépouse royale connaît bel et bien une redé­fi­ni­tion dans son rôle éta­tique. Son influence poli­tique ne doit en aucun cas être sous-estimée. Le livre abonde en exemples de média­tions régi­nales, lorsqu’on attend des qua­li­tés fémi­nines qu’elles apaisent les graves crises qui jalonnent ces temps trou­blés. Et c’est la spé­cia­li­sa­tion de l’activité diplo­ma­tique entre les mains de spé­cia­listes qui tend à écar­ter la sou­ve­raine de ces ques­tions.
L
a loi salique, due davan­tage à des cir­cons­tances pré­cises et à des ambi­tions per­son­nelles qu’à une miso­gy­nie des hautes sphères poli­tiques et clé­ri­cales, ne doit donc pas faire écran. La reine de France n’est pas confi­née dans un espace fermé, à l’abri du regard des autres. Bien au contraire, elle joue son rôle dans le pro­ces­sus de légi­ti­ma­tion des Valois, au cœur du « spec­tacle monar­chique ». Tout cela est très bien mis en lumière. Notons que le chris­tia­nisme, loin d’exercer une influence néga­tive, pro­meut l’image de la sou­ve­raine assi­mi­lée à la Vierge Marie.

Cette étude aussi inté­res­sante qu’agréable à lire démontre que le roi et la reine sont en réa­lité com­plé­men­taires dans le jeu du pou­voir, cha­cun ayant une fonc­tion bien pré­cise. « La royauté ne se donne plus à voir qu’en couple », écrit Murielle Gaude-Ferragu.

 frede­ric le moal

Murielle Gaude-Ferragu, La reine au Moyen Âge. Le pou­voir au fémi­nin, XIVeXVe siècle, Tal­lan­dier, février 2014, 344 p. - 23,90 €

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