Puisant dans des mythologies, intégrant des éléments de la fantasy déclinée dans tous ses genres, ce récit se déploie dans un univers en crise. On retrouve nombre des composantes du monde qui peuple, en ce XXIe siècle, la planète Terre, un monde déchiré par la haine, la peur, la manipulation, le déferlement de différends, le déluge des ambitions. L’Archimériste, qui veut reconquérir les terres dont il a été exclu, rappelle beaucoup une petite frappe qui sévit actuellement.
Il aborde des thèmes qui sont devenus bien familiers comme ces Migrants qui, pour fuir la misère, la guerre, bravent mille périls espérant trouver un Eldorado mythifié. Or, dans cet Eldorado, ce ne sont que déchirements, complots, croyance en des idées ineptes, peur instrumentalisée, fermeture des frontières, rejet, exclusion…
Et Jérémy joue magnifiquement avec tous ces éléments pour un récit tendu, dense, d’une grande qualité. Si d’aucuns moquent les bandes dessinées pour leurs textes assez succincts, ils doivent aborder ce récit où l’auteur installe un narratif puissant.
Vesper est une créature hybride, mi-humaine mi-chimère. Vanea, sa demi-sœur, aurait été dévoré par un comte. Avec Eko, un jeune garçon qui souffre de cristallisation mais dispose d’atouts en matière de magie, et Zarak, son familier, un croisement entre différentes races humanoïdes, elle traque son assassin. Elle découvre que c’est Vanea, elle-même, qui se dissimule sous l’armure. Elle doit sa survie à un pacte passé avec l’Archimériste, une entité monstrueuse.
Vesper est entraînée, avec ses compagnons, dans une quête terrible, affrontant de grands dangers, pour libérer sa demi-sœur des clauses du pacte.
Ce quatrième tome scelle la fin de la saga où la créature hybride doit affronter, en face à face, son pire ennemi. Cet Archimériste a mis tant de pièges sur le parcours de Vesper, n’hésitant pas à réincarner des proches de l’héroïne pour la mettre en danger.
En auteur complet, il assure dessin et couleur, installant dans ses planches au découpage dynamique, un univers à la fois féerique et crédible. Il donne à voir des populations très différentes, faisant preuve, une fois encore, de sa capacité de création, de son imagination féconde. Mais il impose une énergie à ses protagonistes qui ressort magnifiquement lors des affrontements, des combats avec des forces occultes invoquées.
Un quatrième tome qui se lit avec un grand intérêt pour la mise en œuvre de ce monde imaginaire pourtant si proche du nôtre, pour la richesse de son intrigue, pour son graphisme éblouissant.
serge perraud
Jérémy (scénario, dessin et couleurs), Vesper — t.04 : La Valse éternelle, Dargaud, août 2024, 56 p. — 17,00 €.