Que peut la peinture ? (Pollock)
Toile surgie du mur et tombant dessus : brutalité hautaine des tableaux de Pollock. Il travaille avec l’infini des potentialités de lignes, formes et couleurs. Elles sont la traduction de lui-même en elles-mêmes. L’effet imparable creuse une étrange altérité sans expressionnisme, colère dénonciatrice, protestation horrifiée.
Reste le flottement dans l’espace, sans « motif » et pour le pur spectacle de la peinture. Nulle indication ni index d’une méthode. Juste l’adhésion sensorielle de la peinture. En légèreté et souplesse, elle ouvre un autre monde, un autre espace. Elle bouge, agit, rythme pour défaire et refaire.
Dès le sol, elle surplombe. Aucun besoin de narration mais il s’agit de se lancer en syntaxes folles d’un penchant profond et d’un lyrisme sensuel. L’inquiétude met à distance le goût du beau. Pollock le dénude et l’insulte toujours dégagé du convenu. Jamais d’emphase coloré pour faire cliché.
Tout est sarcasme capiteux craché sur l’attendrissement et la niaiserie. Alors, c’est là — comme l’on disait jadis — que ça biche. Après le pittoresque, vient enfin le sabir. Si bien que, pour aimer cette peinture, il faudrait un dictionnaire comme pour comprendre Guyotat, Céline et bien avant Rabelais. Pollock a créé comme lui son « Quart (l)ivre».
jean-paul gavard-perret
Photo : Brian de Palma