En chaque texte dans sa version originale ou anglaise (traduite par Patrick Willamson), la poétesse — même dans une économie de mots comme dans les processus de réitération - mêle ce qui pourrait se contenir dans l’assez. Elle aime le trop : pour preuve, quelque chose avance, se précise sans qu’aucun sens ne se coagule vraiment.
L’auteure à beau dire “l’abondance me terrifie”, par proliférations, scansions, attaques, excès en diminuendo ces poèmes deviennent opérettes, opéras, opérations – entendons ouvertures car souvent un petit rien peut être tout tant le tout devient ce qui reste. D’où ces exercices (dans le bon sens du terme) qui évitent le logos qui morigène, le langage didactique et même la simple anecdote au profit d’une pure poésie au charme qui pose — sans qu’elle le dise — Anne-Lise Blanchard en séductrice.
Avec “une” telle boa constrictor, nous sommes sonnés sans que, pour autant, les poèmes nous abasourdissent par la violence de frappes ou ictus. Le coup du charme en conséquence opère. Il est achevé par les estampes numériques de Dominique Debofffle composées au grès de son imagination comme de celle de la créatrice.
L’ensemble est donc habité et porteur d’énigmes. Un trait noir (dessin ou écriture) peut venir souligner des rondeurs, approfondir des couleurs qui n’existent pas dans la réalité. Dès lors, en ce double (voire triple étant donné la traduction) parcours, laissons-nous enjôler par de telles prises. Elles glissent jusque dans la poussière vers de multiples floraisons. Celles-ci donnent des ailes aux Elles par la femme d’exception. Celle-ci nous et les envole en apesanteur, sans oublier certaines caresses entre la peau et les lèvres.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Anne-Lise Blanchard, Soliloques pour ELLES, traduction de Patrick Williamson, estampes numérique de Dominique Deboffe, Editions unicité, Saint-Chéron, 2014, 74 p. - 14,00 €.