Chaque nouveau numéro de la revue Tinbad confirme ce que nous sentions depuis longtemps. Elle tient le rôle symbolique et stratégique que tinrent en leur temps Tel Quel, Change ou encore Théorie-Peinture voire les Cahiers du Cinéma — du moins ceux de naguère. Guillaume Basquin et Christelle Mercier — après un habile jeu de la remontée du temps (sur le Bolchévisme avec Léon Chestov ; et sur Pasolini dans de nombreux articles majeurs dont celui de J-L Poitevin) — rebasculent dans le présent et ses figures totalitaires (incarnées autant par le Covid que Didier Raoult) mais pas seulement.
Des auteurs incarnent ce qui se refuse d’être étouffé sous des masques. Sans oublier celui qui fut secrétaire de rédaction de la revue jusqu’à un temps récent et qui nous a quittés par surprise : Dominique Preschez. Mais au lieu de se perdre en digressions attendues, les revisites ont donné la “parole” à une photographe : Elizabeth Prouvost qui “dit” ce que les mots ne font pas.
Mais ainsi décrit, le schéma de ce numéro reste incomplet. Stevenin est reconfiguré, Philippe Murray aussi (histoire de prendre enfin les vrais écrivains au sérieux). Mais il ne faut pas oublier aussi les billevesées obstinées de Jacques Cauda qui font peur à Jacques Henric et à Art Press gardiens désormais des littératures et arts surannés.
Dans notre époque incertaine, la singularité qui se découvre en une telle revue est essentielle. Elle est en quête de substances dont il semble difficile (du moins ailleurs) d’explorer les recoins.
A l’inverse, Basquin et Mercier nous sortent de la confrérie des illusionnistes.
Se devine leur désarroi face à une littérature décervelée. Mais au lieu de la dégommer — ce qui est facile -, ils ramènent à un travail d’existence loin des pensées-maëlstroms où se noient la réflexion et l’émotion.
En résumé, se découvre ici la désacralisation des idéologies reliques comme les “avortones” qui les ont remplacées. Existe aussi un moyen de dérider la littérature consacrée trop souvent aux conceptualisations liturgiques.
jean-paul gavard-perret
Les Cahiers de Tinbad, n° 12, Tinbad, Paris, Automne 2021, 128 p. — 16,00 €.
Certes pas du tout liturgique ! Mais magique et génétique TEL QUEL . Dominique a passé le relais . JPGP le transmet , dernièrement par Dame Prouvost , avec complicité amicalement intelligente . GO !