« Et le désir s’accroît quand l’effet se recule… »
(Corneille, Polyeucte, acte I, sc. 1)
Le célèbre kakemphaton qui sert de titre à cette humble chronique vous permettra de sourire un peu, du moins l’espérons-nous, en ces temps de confinement triste où les tentations sont réduites à quia, et où il n’est pas mauvais de songer, ne serait-ce que pour supporter l’instant présent, à ce que l’on fera plus tard, après la Libération.
Le volume présenté par D. Rabouin permet de comprendre le désir et ses enjeux. L’introduction, d’une trentaine de pages, brosse le portrait du désir : comment le maîtriser ? comment désirer ne pas désirer (tout lecteur de La Peau de Chagrin de Balzac comprendra ce phénomène !), le désir est-il réellement un fauteur de trouble ? manque-t-il toujours son objet ? le sujet se retrouve-t-il obligatoirement « fendu » dans la tension vers le désir ?
Peut-on désirer trop, ou trop peu ? où se trouvent le bien et le mal, dans ce cas ? le désir ne résiderait-il pas seulement dans l’expérience, après tout ? l’ascèse est-elle une solution ? le désir peut-il être mis à distance ? objectivé ? peut-il être à la fois manque et débordement ?
Dans un style alerte et avec une belle agilité intellectuelle, David Rabouin répond à ces questions en dressant un panorama des réponses apportées, dans une contextualisation toujours présente et très stimulante. La deuxième partie de l’ouvrage présente des extraits des auteurs majeurs ayant réfléchi à la notion de désir. Elle est divisée en cinq parties regroupant des extraits d’œuvres, et dont les titres annoncent le contenu : « Analytiques : le désir en morceaux », « Thérapeutiques : désir-maître et maîtres du désir », « Ontologiques I : le manque à être », « Ontologiques II : le grand désir », « Politiques : l’état du désir ».
Chaque extrait d’auteur est précédé d’une présentation en deux colonnes, sur une page environ, qui contextualise l’extrait, ce qui peut éviter certains contresens.
La troisième partie prend la forme d’un « vade-mecum » qui reprend les mots-clés connexes à la notion de désir : appétit, ascétisme, ataraxie, etc. Cet outil est très intéressant car il permet de mieux problématiser encore la notion de désir, parfois à l’aide de ses antonymes.
L’ouvrage se clôt sur une bibliographie commentée, classée en quatre sections qui permettent une lecture progressive : « les textes fondateurs », « éthiques », « traités des passions », « modernités ».
Cet ouvrage, intelligemment conçu, d’un format pratique et d’un prix extrêmement abordable, rendra de grands services aux étudiants, en vue du programme de cette année (pour compléter leurs lectures) en ECE/ECS, et de celui de l’an prochain en classes préparatoires scientifiques (« La force de vivre »).
yann-loic andre
Le Désir : textes choisis et présentés par David Rabouin, GF, 1997, 250 p. — 7, 90 €. (Classes préparatoires ECE/ECS actuelles, et futures MPSI/MP/PSI)