C’est parce que “La pureté des choses / dans le fond des rêves / rend impossible la vie / de nos organes” que demeurer dans le songe longtemps reste impossible. On aimerait pourtant, mais notre chair vivante incite toujours à une autre présence.
C’est une loi humaine et vitale qui s’oppose forcément à une spéculation de ce qui est pris pour l’irréel mais ne l’est pas forcément.
Benoît Martin nous le rappelle même s’il ne se résout pas à accepter cette dichotomie où le principe de réalité fait la loi. Demeurent pourtant des dominantes impalpables qui s’opposent aux brutalités redondantes du réel. L’invisible est présent mais forcément occulté : il n’est que plus cruel.
Si bien qu’entre ombre et lumière il faut trouver le bleu d’un clair obscur qu’une photographie d’Irène Sinou souligne dans ce livre pour faire le lien entre ses deux parties (mais pas seulement car la qualité des prises en exceptionnelle).
Reste l’arrière-pays qui ne se saisit que dans cet asile où l’insatiable rêveur est forcément remisé. Et dans une poétique de la ville, ses métros cliquetant et les roses blanches des réverbères, le désir d’être subsiste là où les hommes vivent et meurent. Parfois, pour céder leur place à la faim inassouvie de ceux qui tiennent encore.
Tout ici est profond et serait presque magique sans le poids de l’existence qui montrer combien y barboter n’est pas chose facile.
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jean-paul gavard-perret
Benoît Martin, Minuit écartelé, photos d’Irène Sinou, coll. L’Orpiment, Le Réalgar, 2020, 140 p. — 13,00 €.