Dieu existe, je l’ai rencontré
Vivre avec Dieu n’est pas chose facile. Surtout lors de son vivant (nous parlons bien sûr du narrateur et non de l’entité céleste). Les deux ont cohabité pendant trois mois lors de l’hiver 1973. Dieu n’était pas regardant. La colocation eut lieu “au numéro 7 de la rue de l’Epée” dans le dernier étage (sans ascenseur) d’un immeuble insalubre.
Dieu y est tout sauf un mauvais type prétentieux. Il fume, boit de la bière et compatit (en l’écoutant) le pauvre pêcheur. Le premier s’en trouve parfois décati et c’est le mortel qui prend conscience que l’un et l’autre ne vivent pas sur le même plan. Cette évidence semble parfois échapper (alcool aidant ?) à Dieu.
Certes, le narrateur a du mal à produire des preuves d’une telle expérience. Et faute de les exhiber, il est devenu “un vieil homme peu sociable qui déteste son époque”. Mais rassurons les croyants : Dieu n’y est pour rien ou pour pas grand chose quoique se murant à Paris comme dans le ciel en un certain silence.
Certes encore, la déité selon son coloc manque cruellement d’humour : les sketches de Fernand Reynaud ou les premières pages de Hara Kiri ou Charlie Hebdo le laissent impassible. Il est vrai que, pour le cas des deux publications, il a droit à un joker. L’auteur ne le dit pas mais qu’on se souvienne de dessins où son Fils était moqué. Par exemple, lorsqu’il tomba décloué de sa croix. Et ce, afin de faire la publicité pour des vis.
Flegmatique devant de tels vices et sévices, il va jusqu’à payer la réparation de la 2 CV de son logeur. Mais, pour ce dernier, il s’agit là d’un juste retour sur investissement. Qui a part lui aurait accepté une telle cohabitation ? “Dieu était chez lui chez moi” rappelle-t-il. Il y a là bien sûr l’espoir (secret) que le premier lui rendra la pareille (le plus tard possible).
Néanmoins, ne noircissons pas le tableau : le narrateur n’est pas un affairiste qui mise sur l’avenir. Il “fait le job” comme on dit. Et ce, même si dans cet hiver glacial, il souffrit bien plus du froid que son invité. Mais fidèle à lui, et avant de terminer son livre, il prend soin de remercier son lecteur puis de conclure qu’il rentrera le moment venu plus apaisé dans l’éternité.
Ce qui est, n’en doutons pas, un sacré gain. Qui a part lui pourrait écrire : Dieu existe, je l’ai rencontré ?
jean-paul gavard-perret
Jean-Jacques Nuel, Une saison avec Dieu, Editions Le Pont du Change, Salornay sur Guye, 2019, 134 p. — 14,00 €.