Jean-Jacques Nuel, Une saison avec Dieu

 Dieu existe, je l’ai rencontré

Vivre avec Dieu n’est pas chose facile. Sur­tout lors de son vivant (nous par­lons bien sûr du nar­ra­teur et non de l’entité céleste). Les deux ont coha­bité pen­dant trois mois lors de l’hiver 1973. Dieu n’était pas regar­dant. La colo­ca­tion eut lieu “au numéro 7 de la rue de l’Epée” dans le der­nier étage (sans ascen­seur) d’un immeuble insa­lubre.
Dieu y est tout sauf un mau­vais type pré­ten­tieux. Il fume, boit de la bière et com­pa­tit (en l’écoutant) le pauvre pêcheur. Le pre­mier s’en trouve par­fois décati et c’est le mor­tel qui prend conscience que l’un et l’autre ne vivent pas sur le même plan. Cette évi­dence semble par­fois échap­per (alcool aidant ?) à Dieu.

Certes, le nar­ra­teur a du mal à pro­duire des preuves d’une telle expé­rience. Et faute de les exhi­ber, il est devenu “un vieil homme peu sociable qui déteste son époque”. Mais ras­su­rons les croyants : Dieu n’y est pour rien ou pour pas grand chose quoique se murant à Paris comme dans le ciel en un cer­tain silence.
Certes encore,  la déité selon son coloc manque cruel­le­ment d’humour : les sketches de Fer­nand Rey­naud ou les pre­mières pages de Hara Kiri ou Char­lie Hebdo le laissent impas­sible. Il est vrai que, pour le cas des deux publi­ca­tions, il a droit à un joker. L’auteur ne le dit pas mais qu’on se sou­vienne de des­sins où son Fils était moqué. Par exemple, lorsqu’il tomba décloué de sa croix. Et ce, afin de faire la publi­cité pour des vis.

Fleg­ma­tique devant de tels vices et sévices, il va jusqu’à payer la répa­ra­tion de la 2 CV de son logeur. Mais, pour ce der­nier, il s’agit là d’un juste retour sur inves­tis­se­ment. Qui a part lui aurait accepté une telle coha­bi­ta­tion ? “Dieu était chez lui chez moi”  rappelle-t-il. Il y a là bien sûr l’espoir (secret) que le pre­mier lui ren­dra la pareille (le plus tard pos­sible).
Néan­moins, ne noir­cis­sons pas le tableau : le nar­ra­teur n’est pas un affai­riste qui mise sur l’avenir. Il “fait le job” comme on dit. Et ce, même si dans cet hiver gla­cial, il souf­frit bien plus du froid que son invité. Mais fidèle à lui, et avant de ter­mi­ner son livre, il prend soin de remer­cier son lec­teur puis de conclure qu’il ren­trera le moment venu plus apaisé dans l’éternité.

Ce qui est, n’en dou­tons pas, un sacré gain. Qui a part lui pour­rait écrire : Dieu existe, je l’ai rencontré ?

jean-paul gavard-perret

Jean-Jacques Nuel, Une sai­son avec Dieu, Edi­tions Le Pont du Change, Salor­nay sur Guye, 2019, 134 p. — 14,00 €.

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