Quand un mystérieux passé vous rattrape
Mathieu, appelé Mat, est orphelin. À six ans, pendant qu’il était en colonie de vacances en Savoie, ses parents ont péri dans l’incendie de leur manoir breton. Il a été élevé par la sœur de son père et par Raymond, son mari. Il a quarante-huit ans et tient un dépôt-vente à Montreuil avec Gary et Mylène, ses employés. Gary est gitan et Mylène a exercé tous les métiers avec des zones d’ombre dans son CV. Ce qui réunit ce trio est le goût pour les histoires. Lorsqu’il rentre après une courte absence, Mat trouve parmi les nouvelles entrées en dépôt un album photo qu’il reconnaît. Il revoit les photos faites par sa mère. Le dernier cliché présente un parking. Ému, il l’emmène pour le montrer à Anna, sa compagne depuis dix ans. Ils passent la soirée à le détailler et une partie de la nuit à échafauder des hypothèses quant à l’apparition de cet objet. Celle-ci signifie que tout n’a pas brûlé dans l’incendie contrairement à ce qu’on lui a toujours affirmé.
Le lendemain, Mat trouve la porte de l’entrepôt éventré par des pros, sans que rien n’ait été volé. Les policiers sont perplexes. Puis, on lui annonce que sa maison est en feu. La police donne la chasse aux incendiaires et tue l’un des deux, un homme totalement inconnu des Services. Mat, Anna et sa fille trouvent refuge chez Mylène, une femme pleine de surprises. En voyant la photo du parking, elle reconnaît un modèle de voiture commercialisé seulement quelques mois après la mort du couple. Mat doit se convaincre que sa mère n’est pas morte dans l’incendie. Et il va aller de surprises en surprises, quelques bonnes, mais surtout des mauvaises, de très mauvaises…
Le livre débute avec une situation relativement courante, hélas ! Un jeune garçon se retrouve orphelin suite à un drame. Mais, dès les premières pages, après la pose de quelques prémices, le romancier fait entrer son lecteur dans un cyclone, un tourbillon de rebondissements. Et il n’y a pas d’œil dans le cyclone d’Hervé Commère ! Il impose un suspense constant, une intrigue sans cesse relancée par des chapitres courts, ciselés, tranchants.
Avec son héros, il imagine les réactions que peut avoir un individu quand, quarante-deux ans après, la vie qu’il s’est construite vaille que vaille pour effacer les douloureux événements de l’enfance vole en éclats, quand le passé se révèle bien différent de ce qu’il a toujours cru. Est-ce un accident volontaire ou involontaire, un meurtre prémédité ou un crime dû au hasard, un suicide… Il lui fait émettre hypothèses sur hypothèses en fonction des révélations, des avancées ou des impasses. Avec l’usage d’Internet, il met en scène une série de coups de théâtre parfaitement maîtrisés.
Le romancier l’entoure de personnages attachants, aux ressources diverses et variées. Gary est gitan. Il dispose d’un réseau conséquent de membres familiaux qui aidera à mettre la main sur une pièce du puzzle. Mylène se révèle bien différente de ce que Mat avait pu savoir, pu percevoir. Hervé Commère retient pour décor des lieux magiques tels que l’île Sainte-Catherine, sur la Marne aux portes de Paris, la Bretagne est ses paysages éblouissants et d’autres… à ne pas révéler pour ne pas spoiler.
Mais, en manipulateur habile, il glisse, dès le début, quelques éléments qui s’éclairent à la conclusion mais qui ne sont pas suffisants pour percevoir la globalité de l’intrigue et pour deviner la succession des péripéties, les raisons de l’acharnement à récupérer cet album et les motivations de ceux qui l’ont fait réapparaître si longtemps après.
Véritable puzzle ou il faut découvrir et assembler chaque composant, Sauf, au titre intrigant, est un formidable roman par un auteur qui se révèle, à chaque publication, plus talentueux.
serge perraud
Hervé Commère, Sauf, Fleuve noir, mars 2018, 272 p. – 18,90 €.