Amoreena Winkler est née au sein d’une secte en Italie. Elle n’en sortira qu’à 17 ans. Près de 15 ans après, elle commence à écrire son témoignage. Il dépasse l’habituelle biographie du genre en un diptyque dont le premier tome Purulence est un chef-d’œuvre sur l’atrocité perverse des adultes gourous maîtres en foi, duplicité et ignorance. Celle qui l’a subie évoque sa privation d’insouciance et d’enfance au sein de « La Famille » où elle n’aura connu comme éducation que celle d’un père proxénète, pédophile et apocalyptique.
Purulence évoque les premières années de l’enfer : ce qui était normal n’est que l’atroce et l’obscène. L’enfant est utilisé pour le sexe jusqu’à trouver plaisant — n’ayant aucun repère– « à 4 ans de faire comme maman en masturbant papa”. La secte ne cesse de banaliser un tel acte et les enfants sont utilisés « naturellement » pour la satisfaction des adultes.
Le seul souvenir solaire de l’auteur est sa visite dans le parc ensoleillé du château de Versailles. Elle s’émerveille de la beauté du monde. Mais, cueillant, elle se fait piquer par une abeille. La réaction de sa mère est claire et nette : «Etais-tu en prière ? Parce que tu sais, ce genre de choses, ça n’arrive pas par hasard.»…
Un tel livre a permis de réveiller jusqu’à la « Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ». A la suite de sa publication, elle publia un guide de protection des mineurs contre les sectes. Quant à l’auteure, elle tente depuis de retrouver une forme de normalité mais, écrit-elle au moment de la publication du second tome, « Il faut juste que je continue à sortir toute cette purulence.»
Aujourd’hui, le gourou des Enfants de Dieu est mort. Mais sa femme a repris les rênes. Et l’auteure a besoin de dénoncer ces processus pervers : « “papa” m’envoie tournoyer et brise la claire euphorie qui animait mes paroles. — Que je ne te reprenne pas à dire “moi je” ! Ça ne doit plus sortir de ta bouche. On te l’a déjà dit, non ? — Le “moi je”, c’est l’ego, et c’est mal. Ton corps et ton esprit appartiennent à Jésus et à la Famille. Le “moi je”, tu le fais disparaître. » Et sa mère complète la leçon de morale.
La fille a 4 ans : elle ne devrait pas s’en remettre. Mais «A l’âge de 7 ans, j’ai compris que ce n’était pas mon monde». Il lui en faudra dix de plus pour s’enfuir. Et encore autant pour témoigner. Auparavant, elle aura connu maltraitances et viols imposés par son père sous les yeux de sa mère. «C’est bien, c’est une grande fille maintenant!» dit celle qui, par ailleurs, vient à bout des cours de S.V.T. du CM2 en obligeant sa fille à réciter La Génèse.
Peu à peu, l’auteure fait avec ce qu’elle peut pour tenter de tenir : « J’ai démissionné de la vie. De la leur. Je me contente de traverser le temps, patiemment. Marcher sur des œufs, retenir son souffle. Traverser les mois, en attendant l’issue de ces jours blancs ». Néanmoins, rien n’est simple pour celle qui se sent « Le fruit monstrueux d’une vie bizarre » mais qui ne le comprend que progressivement, grâce à un instinct de survie exceptionnel.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle tente de garder sa dignité, biaisant pour trouver des solutions et tenir. « Dans la Famille, on me dicte l’Amour, la Paix, la Bienveillance, la Bonté, la Longanimité, le Pardon, le Sacrifice. Et je subis l’opposé. » L’ordre est l’injustice. L’amour ? Un mépris de l’autre. Et le savoir une ignorance.
Stupéfiant mais en rien racoleur, ce livre est à relire ou lire si cela n’a pas été fait car, paru il y a dix ans, il reste majeur.
jean-paul gavard-perret
Amoreena Winkler, Purulence, Edition Ego comme X, 2009.
Bouleversant !…
Difficilement supportable comme lecture, néanmoins cela mérite d’etre lu, ne serait que pour dénoncer les atrocités subies par des enfants innocents, utilisés par des adultes sans scrupules .