Une saison de machettes (Jean Hatzfeld/ Dominique Lurcel)
© passeursdemémoire
Le plateau est nu, faisant apparaître le sol brut, les murs de pierre blanche. On voit seulement un violoncelle, un grand mur noir, peut-être un paravent. Le musicien égrène de ses doigts quelques notes de douceur et de douleur ; cet ornement musical vient pondérer les moments successifs du spectacle.
A travers le témoignage d’une femme, sont restitués des éléments de la vie quotidienne juste avant le drame. La parole est portée par différentes voix qui entourent le public. Les tueurs parlent de leur souvenir marquant, souvent la première personne qu’ils ont tuée, ou de ce regard de victime qui se fiche définitivement dans celui de son bourreau au moment fatal. Puis, Jean Hatzfeld explique son projet : déjouer le silence ou le déni des assassins, en les amenant, une fois condamnés, à se prononcer en groupe.
Le spectacle est grave, simple, sobre, réussi : face à l’abjection, il n’est requis que d’écouter, et si possible de comprendre.
Toutes les déclarations des exterminateurs disent le caractère devenu naturel de l’administration de la mort. « Nos bras commandaient nos têtes. » Ainsi expriment-ils la déshumanisation qui se produit durant le processus de systématisation de la violence. La mort devient facile, lorsqu’on n’en prend pas la décision, lorsqu’elle est généralisée, lorsqu’elle vouée à l’impunité, lorsqu’elle semble finalement justifiée ; elle est ainsi banalisée.
La détestation de l’autre semblait inscrite dans le langage, disponible pour le moment de la déshumanisation. Les faucheurs de vies déclarent ne pas saisir ce qui a constitué l’élément déclencheur. S’exprime longuement chez des chrétiens l’obsession du pardon, tout à la fois évident et inaccessible. On a affaire à des gens normaux, aspirant à vivre convenablement, même s’ils sont conscients des difficultés induites par les exactions commises.
Ces voix simples finissent pas s’élever contre la grandiloquence des condamnations et du repentir.
christophe giolito
Une saison de machettes
Récits recueillis par Jean Hatzfeld
Adaptation et mise en scène Dominique Lurcel
Avec Céline Bothorel Maïa Laiter Omar Mounir Alaoui Yves Rousseau Tadié Tuéné Musique Yves Rousseau (contrebasse)
Lumière Philippe Lacombe ; décor Gérald Ascargorta ; régie générale Fréderic Lurcel.
Au théâtre de l’Epée de Bois, La Cartoucherie (Bois de Vincennes) 75012 PARIS
Du 25 avril au 12 mai 2024, du jeudi au samedi à 21h, samedi et dimanche à 16h30.
Représentations scolaires vendredi 26 avril à 14h30, vendredi 03 mai à 14h30.
Bords de scène et rencontres : vendredi 26 avril, Laurent Larcher (La Croix/ auteur de Rwanda, ils parlent et de Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ?) -14 h 30 (représentation scolaire) ; samedi 27 avril, Annette Becker, historienne (les deux guerres mondiales, les violences de masse contre les civils, leurs mémoires et leurs oublis) – à l’issue de la représentation de 16 h 30 ; dimanche 28 avril, Stéphane Audoin-Rouzeau, historien (Première guerre mondiale et génocide des Tutsi) – à l’issue de la représentation de 16 h 30 ; jeudi 2 mai, Pierre Lépidi (Grand reporter/ Le Monde). Auteur de Murabeho – à l’issue de la représentation de 21h ; vendredi 10 mai, Jean-François Dupaquier, historien du génocide des Tutsi – à l’issue de la représentation de 21h ; samedi 11 mai, Maria Malagardis, journaliste (Libération), documentariste (Rwanda, vers l’apocalypse, actuellement sur F5) et romancière (Avant la nuit) – à l’issue de la représentation de 16 h 30 ; dimanche 12 mai, Catherine Coquio, universitaire et historienne, études sur les génocides – à l’issue de la représentation de 16 h 30.
Production : Passeurs de Mémoires A la création (2006) : Avec le soutien de l’ADAMI et de la Ligue des Droits de l’Homme Avec l’aide du Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Ile de France), du Conseil général de Seine et Marne, et de la ville de Nangis (77) A la reprise : spectacle soutenu par la Ligue de l’Enseignement, Ibuka (France, Suisse et Rwanda), la Licra, la Ville de Lyon (Mairie du 1er), la Ville de Montreuil, en coréalisation avec le Théâtre de l’Épée de Bois et avec la participation artistique du studio ESCA. Coproduction en cours : Ville de Paris, Dilcrah, Métropole de Lyon La compagnie est subventionnée par : la Ville de Lyon, la Métropole du Grand Lyon
