Prométhée enchaîné
Un spectacle prenant mais monolithique
Olivier Py revient à Eschyle pour sa dernière année à l’Odéon. Posant en martyr du pouvoir, il livre une version originale, politique et un brin ironique du Prométhée enchaîné (qu’il traduit, met en scène et interprète).
Une création digne d’intérêt
Olivier Py déchaîné Des guirlandes de lumières constituent un cadre sur le devant de la scène, où un jeune homme, responsable dynamique, pianote sur le clavier de son ordinateur portable. Lorsque le spectacle commence, le public découvre une salle vide, qui lui dresse le miroir de son absence, de son innocence ou de son indolence. Héphaïstos en forcené violent frappe à l’aveugle les sièges d’où surgit ensanglanté Prométhée.
Pendant toute la pièce, celui-ci assume rugissant la posture de l’hybris, invectivant Zeus de ses imprécations vaines ou létales. Chez Olivier Py, le théâtre se gueule. En l’occurrence, les beuglements siéent au personnage qui crache et éructe son texte dans le temps même où il endure le supplice que lui inflige Zeus. Doué du pouvoir de divination, il peut révéler à ses interlocuteurs leur destin et le sien. La traduction donne clairement un sens politique au texte d’Eschyle ; l’adaptation en fait un hymne à la liberté de l’artiste contre toutes les censures du pouvoir. Les drapeaux libyen et syrien viennent symboliser la conquête, produit de la révolte.

Olivier Py se taille la part belle en incarnant le martyre de la liberté, des arts et de l’ingéniosité, face aux compromissions sournoises et à toutes les tentations qu’a le pouvoir d’abuser de lui-même. Une bande-son subtile vient discrètement ponctuer le tableau percutant dressé par Olivier Py. Un beau travail d’actualisation, même s’il tire un peu aisément parti de la situation de victime qui est celle du directeur du Théâtre de l’Odéon.
A terme, le traducteur-metteur en scène-interprète s’autorise des ajouts au texte ; évoquant les pièces perdues d’Eschyle sur Prométhée, il invoque la puissance du verbe contre les valeurs stériles du pouvoir, dans une posture sacrifiant au registre de la prophétie.
Un spectacle prenant, généreux, vif, propre à nourrir l’imaginaire même s’il reste un peu monolithique par son format et ses partis pris.
christophe giolito

Prométhée enchaîné
d’Eschyle
texte français, adaptation et mise en scène Olivier Py
Avec Céline Chéenne, Xavier Gallais, Olivier Py
Décor et costumes : Pierre-André Weitz
Lumières : Bertrand Killy
Son : Thierry Jousse
Production Odéon-Théâtre de l’Europe
Théâtre de l’Odéon, Aux Ateliers Berthier, 75017 Paris, du 14 au 19 février 2012, à 20h du mardi au samedi / 15h le dimanche. Représentations supplémentaires à 17h les 15, 18 et 19 février
Le texte de la pièce est paru aux Editions Actes Sud en 2012, adjoint à d’autres traductions d’Eschyle par Olivier Py, sous le titre La trilogie de la guerre.