Philippe Pelaez & Gaël Séjourné, Les Fesses à Bardot
Ce n’est pas dans cet album que vous pourrez les voir, ni les apercevoir, même si tout au long du récit, elles sont le prétexte à cette comédie riche en péripéties et si allégorique. C’est au volant d’une 4 CV Renault qu’un homme arrive à Trougnac, s’informant, auprès d’une jeune femme, de l’existence d’une salle de cinéma. La salle existe, s’appelle l’Eden et se situe juste à côté de l’église. Elle a été construite grâce au duc qui réside dans le château près du village, Clovis Dieuleveult de Beaudrap. C’est au café, lieu de rencontre, qu’il se présente. Il est en repérage pour un nouveau film qui réunira Brigitte Bardot et Jean Gabin. Pour prouver qu’il est dans le milieu du cinéma, il exhibe une photo censurée de film En cas de malheur. La population se partage alors en deux camps, les uns faisant tout pour que Trougnac soit retenu, allant héberger, nourrir, couvrir de cadeaux et choyer l’homme, l’autre vouant aux gémonies la venue de cette femme dépravée. Mais…
C’est à une comédie exquise, à la fois ironique, cinglante, mais humoristique que Philipe Pelaez convie ses lecteurs. Il développe les points de vue des uns et des autres, l’aspect économique avec l’arrivée d’une équipe de tournage, l’attrait que le village va susciter auprès de touristes voulant voir les lieux. Il montre les tenants d’une morale plus stricte craignant l’arrivée de la dépravation, de la débauche, avec la venue de cette jeune diablesse. Elle fut, à l’époque, la cible d’un nombre incroyable d’attaques et il faut se féliciter que les « réseaux sociaux » aient été inexistants car on n’ose imaginer… L’auteur met en scène des événements qui scandent la vie locale de petites bourgades. C’est une suite de situations savoureuses, de dialogues pétillants, de remarques bien étayées, une connaissance du droit comme le fait que le clergé n’est que l’affectataire des monuments de culte. C’est une observation fine et pertinente des caractères, des réactions d’une population où chacun voit son intérêt. C’est l’engouement et l’aversion conjugués. Le scénariste place de belles réparties entre le duc et son frère (dont je vous laisse découvrir l’identité) et un beau panégyrique sur le cinéma.
Chaque chapitre s’ouvre avec une phrase, un extrait de dialogue truculent d’un film, dont nombre ont été prononcé avec la gouaille exceptionnelle de Jean Gabin. Le graphisme est dû au travail de Gaël Séjourné soutenu par Philippe Pelaez. Son dessin est particulièrement documenté sur les véhicules, les accessoires et les vêtements. Sa mise en couleurs respecte les nuances du milieu des années 1950. La mise en page laisse en belle place aux vignettes et à l’expressivité des protagonistes. Le dessinateur s’est amusé à mettre sur nombre de ses personnages des figures de gens célèbres du cinéma. C’est un plaisir supplémentaire de les traquer.
Avec ce nouvel album, Philippe Pelaez continue de régaler ses lecteurs avec des textes d’une grande intensité scénaristique, servis par le graphisme tout en rondeurs d’un créateur de talent.
serge perraudPhilippe Pelaez (scénario et dialogues, épaulé par Gaël Séjourné) & Gaël Séjourné (Mise en cases, en images et en couleurs, soutenu par Philippe Pelaez), Les Fesses à Bardot, Bamboo, label « Grand Angle », janvier 2025, 160 p. – 22,90 €.
