Perrine Le Querrec, Les pistes
Perrine Le Querrec crée des livres de poésie, de prose et graphiques faits parfois « d’archives et de silences, de trous et de pliures. » Son travail sur la langue ouvre divers champs d’expérimentation. Elle a publié par exemple chez le même éditeur La Construction (2018) qui présente les plans d’un hôpital psychiatrique mais dont le véritable architecte est le lecteur.
Elle a depuis quitté Paris pour le Berry : selon elle, elle y écrira ses vingt prochains livres. Les pistes s’insèrent à la charnière de ces deux vies. S’y découvrent trois personnages : Eva, Piotr, Tom – soit une femme, un homme, un enfant. Le tout dans quarante deux univers parallèles habités par la mort, le sang, et l’amour. Ce dernier ne cesse de tanguer car la violence guette au milieu de la force du désir et celle des rêves.
Dans une sorte de gestalt romanesque, les gestes les plus simples se font et se défont. Des sentiments naissent, meurent écrasés, survivent, s’effondrent, se métamorphosent à n’importe quel moment de la nuit ou du jour. Le temps se distribue là où l’avenir est déjà joué dans le passé tandis que celui-ci se vit au présent en une étrange fusion.
Et si dès le commencement tout était déjà identique, rien n’est identique là où tout se vaut. Du moins comme se valent les trois destins en déréliction dans un univers de décombres et ses cadavres encore chauds et qui semblent encore hurler et qui rappellent le temps présent.
Mais, et en parallèle, c’est l’été, ses lumières là où les corps s’aiment derrière les persiennes pour se protéger de la chaleur mais aussi du sang qui jaillit des gorges tranchées. Dans ce magma temporel et causal, des chemins de dérive se déclinent, les fonctions des protagonistes et de leurs actions changent.
Quant à l’écriture, elle tient le tout dans une danse infernale par dissonances qui ne cessent de se succéder mais qu’un tel texte assemble.
jean-paul gavard-perret
Perrine Le Querrec, Les pistes, art & fiction, coll Sushlarry, Lausanne, janvier 2024, 128 p. – 20 CHF
