Patti Smith, Rien que des gamins

Patti Smith, Rien que des gamins

Le  mythe de l’artiste maudit ?

Patti Smith est devenue incontournable. Celle qui fut peut-être la première star féminine du Rock et grunge avant la lettre est devenue une photographe et une écrivaine. Soignant toujours son image et sa légende, admiratrice de William Blake et Rimbaud, elle apparaît désormais comme un « must bancable » aussi bien dans son pays d’origine qu’en Europe. Elle est ornée de prix prestigieux et, ratant le prix Nobel de Littérature au profit de Dylan, elle s’est fait la porte-parole en Suède du splendide indifférent.
Just Kids  a connu un succès mondial et Gallimard a la bonne idée (après avoir publié trois de ses livres) de proposer à nouveau les pages consacrées à sa rencontre avec le photographe Robert Mappelthorpe (qui créera la pochette de son album « Horses »). Le style de ce fragment comme celui de l’ensemble du livre ne déplace pas les montagnes. Tout est sagement – ou banalement narratif. Mais le texte tient par l’importance des personnages : remplaçons l’auteur et son modèle par des personnages lambda et il ne restera pas grand chose. D’autant que Patti Smith sait jouer des effets faciles et un rien racoleurs  eu égard au mythe de l’artiste maudit. Elle sait juste suggérer les surplus de pathos en donnant l’impression de ne pas y toucher.

Cet extrait garde néanmoins un aspect documentaire sur la vie des artistes désargentés dans le New York des années 60. Il n’est guère plus que cela. Patti Smith y reste avant tout la femme d’élection qu’on se plait à louanger depuis qu’elle a connu la consécration. Exit ses côtés parfois mesquins – son attitude vis à vis de la chanteuse du groupe Blondie en disait pourtant beaucoup, là où se soulevait l’image d’Epinal de la star.
Néanmoins, au lecteur de se laisser prendre par cette histoire d’une saison ressuscitée. L’automne de Patti Smith provoque la surrection de celui que Mapplethorpe n’aura pas eu le temps de connaître. L’auteure y ramène son moi vivant, ses luttes, ses victoires, les défaites de sa mort. Cet extrait peut dès lors se lire comme un musée vivant d’une vie et d’une œuvre photographique qui devinrent le paradigme ou l’équation des luttes intimes et sociales d’une époque.

jean-paul gavard-perret

Patti Smith, Rien que des gamins (extrait de Just Kids), Traduction de l’anglais (US) par Héloïse Esquié, Folio, Gallimard, Paris, 2018, 96 p. – 2,00 €.

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