Maxime Tandonnet, André Tardieu. L’incompris
Il aurait pu et dû être le Churchill français et il a sombré dans l’oubli le plus complet. Tel fut ce destin somme tout raté d’André Tardieu que retrace Maxime Tandonnet dans une élégante biographie. Il avait pourtant tout pour réussir : une intelligence remarquable, une capacité de travail impressionnante, une belle plume, le don de s’entourer de collaborateurs fidèles et compétents, une connaissance de l’Etat et des ressorts de la politique, l’intransigeance dans la défense des principes fondamentaux, un patriotisme d’acier. Certes, son sentiment de supériorité, ses rancunes, ses remarques tranchantes lui aliénèrent bien des soutiens, ce qui finit par l’isoler dans le personnel politique de la IIIe République finissante.
Il aurait pu être diplomate. Il devint journaliste. Fin connaisseur des dossiers internationaux, il s’intéressait de très près aux problématiques intérieures, financières et économiques, sur une ligne très keynésienne. Mais ses analyses les plus poussées, il les réserva à la question institutionnelle ; la plus cruciale à ses yeux, celle qui commandait ou non le succès de l’action, alors que le régime républicain entrait dans un affaiblissement mortel.
Son appel à un exécutif plus solide, libéré de la tyrannie législative, annonçait certes le régime gaullien. Mais il le conduisit au-delà du « cercle de la raison » de l’époque.
Tardieu resta toute sa vie attachée à l’écriture. Pourfendeur du nazisme et de toute politique de conciliation, il vit clair dans le jeu d’Hitler. Mais ses échecs intérieurs et extérieurs, et une santé déclinante, le poussèrent à se retirer à Menton où une attaque le terrassa en 1939, l’empêchant d’accomplir un destin historique.
On apprend donc beaucoup sur cet homme qui accumula les postes ministériels, jusqu’à occuper le fauteuil de président du Conseil, mais ne laissa aucune trace dans la mémoire collective.
C’est le mérite de ce livre de le tirer de cet injuste purgatoire.
frederic le moal
Maxime Tandonnet, André Tardieu. L’incompris, Perrin, janvier 2019, 400 p. – 23, 50 €.

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