Madeline Roth, Un amour
Inégal mais attachant
Il y a des femmes qui résistent aux injonctions normatives (vivre en couple, faire des projets prometteurs) et qui ne s’en cachent pas. Madeline Roth est l’une d’entre elles. Un amour raconte l’histoire d’une liaison faite d’absence plus que de présence. La narratrice, qui exerce le métier de libraire en Avignon, a rencontré sept ans auparavant un artiste qui vivait alors dans la même ville. Ils se sont vite liés, mais d’une manière n’engageant à rien, du moins du côté de l’amant.
Rétif à la vie stable, porté à changer de ville, voire de pays, il s’éloigne (au propre comme au figuré) périodiquement. Cependant, il reste en contact avec elle même à partir de l’étape où, installé en Inde (on se demande pour combien de temps), ils sont séparés par cinq heures de décalage horaire, fait hautement symbolique.
L’entourage de l’héroïne n’en finit plus de lui faire des commentaires négatifs sur cette liaison, s’évertuant à croire et à la convaincre qu’elle est malheureuse. L’est-elle vraiment ? Non, car ce qu’elle souhaite avoir, ce sont des expériences propres à « agrandir la vie » (p. 25), et c’est précisément ce que l’homme en question lui donne. « Tu es la vingt-cinquième heure. La sortie d’autoroute. Tu es une surprise d’un soir de décembre, sans cesse renouvelée. » (p. 32). En Inde, on appelle l’artiste Azad, ce qui signifie « liberté » – tout un programme, pour elle aussi. La narratrice ne s’interdit pas la perspective d’un autre amour ; en attendant, elle savoure celui-ci jusque dans ses manifestations les plus infimes.
Chose peu courante en matière d’autofiction : le partenaire absent a accepté d’être raconté, et sans exiger un droit de regard. Cela nous rend le couple hors normes d’autant plus sympathique, puisque de toute évidence, aucun des protagonistes n’abuse de l’autre. Il y a entre eux une forme de respect mutuel devenue rare dans la littérature contemporaine.
Ce récit rappelle par endroits Passion simple d’Annie Ernaux (dont Madeline Roth mentionne l’adaptation cinématographique), par son dépouillement davantage que par son contenu. L’écriture est tantôt distanciée, tantôt lyrique. A notre sens, le second registre est plus appréciable ; le texte apparaît comme inégal, mais n’en reste pas moins émouvant et attachant.
agathe de lastyns
Madeline Roth, Un amour, Do, mai 2025, 87 p. – 13,00 €.