Louise Bourgeois, I do, I undo, I redo (exposition)
Louise Bourgeois a l’odeur de sainteté en horreur. Pourtant, derrière son exhibitionnisme ou plutôt ses exhibitions se cache une extrême pudeur. L’ostentation possède toujours chez elle un aspect particulier : il s’agit d’une manière de se soustraire afin de mieux faire surgir les secrets les plus intimes en particulier ceux de l’enfance et plus particulièrement celui qui touche son père et qu’elle ne cesse d’éventer et d’éventrer pour lui faire payer.
Toutes ces images dans leurs divers registres ne font que débonder les traces du monstre qui d’une certaine manière a entravé la traversée du désir d’un âge de méchanceté. L’histoire de l’œuvre de Louise Bourgeois est donc l’histoire d’une accession à soi contre le père et son pouvoir sexuel. Elle en viole le secret en un renversement des rôles.
Toutes ses œuvres en leur fantasmagories et leurs installations monstrueuses, horribles, de chambres de tortures possèdent en « cœur de cibles » ce père lui-même monstrueux jusque dans ce que l’artiste franco-américaine nomme ses “ dernières nuits de sexe ” où il arrive qu’une femme renaisse plus ou moins bien de ses cendres.
Tissée de nombreux éléments autobiographiques, l’œuvre fortement attachée à l’image gravée ou dessinée témoigne d’un corps-à-corps entre le souvenir et la mémoire qui oscille, s’étiole, se distend. La sculptrice, fidèle aux matières informes et organiques, trouve dans son oeuvre gravée l’ambiguïté des formes de ses souvenirs fantasmés.
A travers une œuvre d’essence parfaitement autobiographique mais qui se refuse de raconter quoi que ce soit qui ressemblerait à une confidence ou à un récit de souvenirs montrés comme tels, d’ordre intimistes, familiaux, ces œuvres de l’exposition – et c’est là son paradoxe – rejouent quelque chose qui reste l’inaccessible par excellence mais elle ne le fait pas par le biais d’une représentation au sens courant du terme.
Pour “ rejouer ”, l’œuvre offre les indices visuels qui – métaphoriquement et visuellement – viennent du plus proche pour les lancer vers le lointain. Celui et celle qui ne connaissent pas le terreau de l’œuvre est soumis à une suites de bribes, reflets, sutures hétérogènes mais qui pourtant nous touchent au plus profond dans un univers estropié et violent. Et dont, aussi, une forme particulière d’ironie n’est pas absente.
jean-paul gavard-perret
Louise Bourgeois, I do, I undo, I redo, galerie Lelong and Co., Paris, 13 rue de Téhéran, Paris, du 14 mars – 30 avril, 2024.

One thought on “Louise Bourgeois, I do, I undo, I redo (exposition)”
En bref Louise Bourgeois doit une vie de créations à son enfance » escagacée «