Laetitia Bourgeois, Mort noire

Laetitia Bourgeois, Mort noire

Tuer pendant une pandémie ?

La Grande Peste a certainement été l’occasion pour des gens malhonnêtes de s’approprier des biens, de s’enrichir en profitant de leur position.
C’est ce cadre que Laetitia Bourgeois retient, elle qui aime placer ses intrigues au cœur du Moyen Âge dans la région du Velay.

En 1348, un homme achète le silence de la femme qui veille sur les victimes de la peste.
C’est en septembre 1361, alors que la seconde pandémie marque le pas, que Dalmas Bouthéac, le capitaine-mage de la cité du Puy, se mobilise sur une étrange affaire de corbeau. Il y a trois semaines, un sergent entend des enfants lui répéter une phrase apprise par cœur : « Qui a tué Remey Passamar ? » C’est un clerc de notaire, de funeste réputation, mort à vingt-six ans, de la peste, treize ans plus tôt. Depuis, Delmas a trouvé un couteau ensanglanté devant la porte de la maison du Consulat. Mais, ce matin, c’est une toile tendue devant sa porte, un morceau de linceul portant des traces de sang et de pus séché.
À l’auberge de la Tête de paille, Mareta réouvre son établissement où elle s’était claquemurée pendant la pandémie avec deux de ses employées. Elle s’emploie à faire revivre l’auberge dont elle a hérité, il y a treize ans après la mort de Remey, son époux.
Louise est monade au grand hospice construit à l’ombre de la cathédrale. Elles sont trois à avoir survécu et avec quatre pensionnaires sur une quarantaine.
Delmas cherche à comprendre ce qui a pu se passer il y a treize ans et les motivations du corbeau. Mais c’est difficile car de nombreux témoins sont morts. Peu à peu cependant, il cerne certains secrets, réunit des données sur ce qui se passait à l’époque quand…

Deux vagues successives ont ravagé le pays, la première en 1348 et la seconde en 1361. Laetitia Bourgeois installe son récit à cette dernière date car les populations avaient pris conscience de la constance de la menace. Elle noue des connections avec la précédente épidémie.
Toutefois, si la toile de fond est bien cette pandémie, elle installe une belle histoire avec tout ce que peut comprendre la nature humaine, des sentiments qui vont de l’amour à la haine, de l’abnégation à l’égoïsme, de la cupidité à la charité. Oh le beau terme si galvaudé, si bien employé par tous les individus que ne la pratiquent pas !

Avec ces éléments, la romancière installe un récit qui suit les trois principaux personnages que sont Mareta, Louise et Dalmas qui tient en haleine jusqu’à un final éblouissant. Elle maintient le suspense presque jusqu’à la dernière ligne qui, d’ailleurs, ouvre sur un futur qui peut prendre le chemin du bonheur. Avec finesse, elle met en scène des situations génératrices de tension, des actes dictés par l’urgence et par la proximité de cette mort omniprésente, qui touche tant de personnes autour des protagonistes.
Parallèlement, elle livre nombre d’informations sur la façon dont les populations tentaient de se protéger de la peste avec les moyens de l’époque, les difficultés pour survivre quand plus personne ne travaillait. Il n’y avait pas de « quoi qu’il en coûte ». La romancière  détaille avec art du récit et précision le fonctionnement de ce qu’il restait comme institutions, le quotidien des populations.

Avec Mort noire, Laetitia Bourgeois propose un roman saisissant pour sa galerie de personnages, pour le déroulement et la tension de son récit et pour le quotidien d’une population décimée.
Un beau et grand retour d’une talentueuse romancière !

serge perraud

Laetitia Bourgeois, Mort noire, Éditions 10/18, coll. « Grands Détectives » n° 5 708, novembre 2021, 216 p. – 7,50 €.

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