Kevan Stevens & Jef, Convoi

Kevan Stevens & Jef, Convoi

Quelle héroïne !

Un récit déjanté, tonique, où la tension est optimum, peuplé d’une galerie de personnages hauts en couleur, improbables, singuliers, mais proches d’une certaine réalité, attachants dans leur outrance.
Sous des dehors quelques peu scabreux, les auteurs assènent quelques vérités sur le fonctionnement de la nature humaine, sur les travers de nos sociétés. Ils placent nombre de références tant philosophiques que littéraires, introduisent une bonne dose d’autodérision comme : « L’âge mental d’un dessinateur de BD. »
Ils signent des dialogues très imagés avec un humour trash et une belle série d’actions avec force explosions, cascades de véhicules, usage d’armes en tous genres et de tous calibres.

La Terre a été dévastée par des guerres, des guerres civiles, la déforestation, la pollution et deux ou trois virus. C’est le récit que fait un vieil homme à Alex et Fonzy, un couple accompagné d’un pingouin. Parce qu’il ne respecte pas l’Ancien, Fonzy se retrouve dans une poubelle, jeté par cette pétulante jeune femme adepte du Krav-Maga.
Ils se rendent au siège de Peninsula où le patron charge Alex, avec le titre et les responsabilités de chef, de mener un convoi de médicaments du Havre à Marseille.

Or, traverser ces territoires dévastés quand ce qu’ils transportent fait l’objet de toutes les convoitises fait que la chance d’arriver en bonne santé au terme est de l’ordre de cinq pour cent.
Mais le gain d’argent est une forte motivation. Alors, elle prend la tête d’un convoi blindé avec une vingtaine de personnes…

C’est drôle, c’est ébouriffant, c’est truffé de petits détails qu’il faut traquer et qui valent le temps de les découvrir. On s’interroge sur un panneau qui indique Texa-very, quand les acteurs évoquent Tex Avery, un grand parmi les grands du dessin animé.
Jef souhaite rendre hommage, de manière assez impertinente, aux frères Bogdanov parce qu’il se souvient avec émotion de Temps X, l’émission qu’ils animaient.

De l’humour, de l’action, un ton tonique et un rythme soutenu donnent à ce récit tous les éléments d’une belle et grande bande dessinée d’aventures dans un cadre post-apocalyptique. Elle n’a pas besoin de références, même cinématographiques.
Avec des traits fins qui soulignent les diverses actions, des plus intimistes aux plus échevelées, Jef réalise une mise en images forte, des décors arides et désolés à souhait, une théorie de protagonistes peu courants. Il travaille la mise en convoi et, dans un cahier de huit pages, explicite sa façon d’organiser le convoi, de positionner les différents véhicules à partir de modèles réduits. Situant son récit en 2074, on peut toutefois se demander si des 4L existeront encore dans cet univers ravagé…

Avec une intrigue en tension superbement menée, une troupe de personnages tous plus décalés les uns que les autres, une mise en images plus que dynamique, les auteurs offrent un magnifique album.

lire un extrait

serge perraud

Kevan Stevens (scénario), Jef (dessin et couleur), Kevan & Jef (Dialogues), Convoi, Soleil, coll. « Hors Collection », septembre 2022, 132 p. – 24,95 €.

Laisser un commentaire