Jean-Charles Kraehn & Chrys Millien, Gil St André – t.16 : « La Cage dorée »
Quand les apparences sont bien trompeuses…
C’est au niveau du lac de Come, en Italie, que Gil et Djida, qui partent en vacances en Croatie, croisent une jeune autostoppeuse. D’une beauté troublante, ses formes mises en valeur, la jeune Anglaise dit s’appeler Abigail Hartford de Beaumont. Elle se présente comme une riche héritière fuyant sa famille pour échapper à un mariage arrangé. Pour Djida, Abigail est une intrigante, mais Gil se pose des questions surtout quand le couple est rattrapé par des hommes à la recherche de la jeune fille. Ils prétendent qu’elle s’est échappée d’un établissement psychiatrique et que ses parents très inquiets la font rechercher.
Dans ce jeu de dupes, qui ment ? Qui dit la vérité ? Impliqués malgré eux, Gil et Djida vont devoir rassembler les pièces du casse-tête pour tenter de connaître les véritables motivations des uns et des autres. Or, ces poursuivants deviennent de plus en plus agressifs…
Avec un point de départ qui semble anodin, Jean-Charles Kraehn installe un engrenage redoutable. L’intrigue entraîne le couple de héros dans une suite de péripéties en tension au fur et à mesure qu’Abigail dévoile le contexte et ses intentions. Ce trio va développer des sentiments bien différents. Gil, toujours chevaleresque, est tiraillé entre le besoin de venir en aide à cette jeune personne mais semble avoir une certaine attirance pour elle. Djida, qui se fait traiter de maman par leur passagère, est mal à l’aise vis-à-vis de l’attitude de Gil. Mais elle examine les diverses situations avec une belle lucidité, faisant confiance à son intuition. Quant à Abigail, qui se révèle à la fois calculatrice, déterminée mais fragile, elle présente une figure ambiguë.
La finesse des portraits psychologiques est remarquable. Dans ce récit, le scénariste interroge les apparences, les rapports de domination, la tentation, et la difficulté de discerner le vrai du faux.
Le titre, La Cage dorée, prend tout son sens. Derrière le luxe, l’éclat et la liberté apparente, se cache une forme d’enfermement moral.
Chrys Millien reprend le graphisme, assurant dessin et mise en couleurs. Son trait réaliste, précis et expressif, sert parfaitement le texte. Les décors méditerranéens sont baignés de lumière, contrastant avec l’atmosphère de plus en plus oppressante. Les visages, les regards, les silences sont autant de vecteurs d’émotion que les dialogues eux-mêmes.
Avec cette intrigue en tension, entre séduction, manipulation et faux-semblants, ce tome mérite un bel intérêt tant pour le déroulement du récit que pour une mise en images dans le plus pur style de la bande dessinée franco-belge.
serge perraud
Jean-Charles Kraehn (scénario) & Chrys Millien (dessin et couleurs), Gil St André – t.16 : « La Cage dorée », Glénat, coll. Bulle noire, septembre 2025, 56 p. – 13,00 €.